Gratte poil

Les Têtes Raides

par Nicolas Wienders le 25/11/2000

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
L'iditenté
Dépèche toi
C'est dimanche
Ennemis


Tiens, Un nouveau Têtes Raides ! Un peu comme le Beaujolais nouveau, l'événement rythme depuis maintenant plus de 10 ans nos vies affranchies. On l'attend, l'espère et on s'enivre. Alors plutôt fruits rouges ou banane cette année ? De prime abord rien n'a changé. Septième album (huitième si on compte "Viens", en public) et toujours cette douce pochette cartonnée, oeuvre des Chats Pelés, où seuls subsistent maintenant Christian Olivier, Lionel Leneouanic et Fred Chapotat depuis le départ de Benoît Morel chanteur du groupe La Tordue. Mais la galette est épaisse, avec un copieux livret qui sent bon l'encre, emplissant nos étagères et nos yeux. Et puis surtout il y a ce grand sourire sur la pochette... Un sourire qui ne trompe pas, tant le disque semble spontané et fournit une impression de renouveau, de fraîcheur. Légèreté dans le format des chansons, comme par le passé puisqu'au milieu des longues mélopées ("Patalo", "Le cabaret des nues") s'entremêlent finement quelques courtes pièces non sans saveur ("Biliothèques I, II, III, IV" et OK). Nouveauté puisque Christian ne prend plus seul le chant en charge. S'y succèdent des enfants sur "Patalo", Terri Serrade pour "Dans la gueule", Philippe Héricord sur "Chapeau", Anne Gaelle ou bien Edith (nouvelle venue en remplacement de Scott, soeur du beau Serge) sur "Bibliothèque 2". Et puis, j'aurais tendance à dire surtout, Bertrant Cantat qui amène sa voix et les guitares de Noir Désir sur l'Iditenté, magnifique manifeste de soutien aux sans papiers. Un morceau qui prouve au passage qu'on peut associer accordéon et distorsion, sans pour autant que ça sonne comme du Blanchard. Fraîcheur enfin pour ce qui est de la musique bien sûr. On a moins souvent l'impression de marcher tête baissée, pieds dans les flaques, le long des quais où traînent quelques morceaux de ferraille rouillée. Valse, java, tango et rock se mêlent, dans un disque qui réussit la performance de pouvoir combler les amoureux de Lapointe, Brel mais aussi ceux des... Ramones ! (ou presque). Jean Corti amène aussi son bandonéon sur "Le gratte poil" et Yann Tiersen son violon sur "Cabaret des nues". L'éphèbe breton et les joyeux drilles s'étaient croisés chez Isabelle Dordain, se trouvant un titre commun "Le phare" et se promettant de travailler ensemble. Voilà qui est fait, d'autant plus que les Têtes participent à plusieurs morceaux du nouvel album de Yann Tiersen, prévu pour le printemps prochain. Bien évidemment, tout ce vent nouveau ne nuit pas aux textes. Le coeur est toujours écorché, l'engagement est là, qui sourd. Mais il est aussi devenu évident et ne réclame plus forcément une noirceur des sons. "Nous avons clairement la volonté de tourner d'une manière plus légère les choses, même quand elles sont dures" raconte Christian. Comme d'hab, un texte emprunté aux grands poètes. Cette fois-ci c'est Norge ("Ennemis") qui se voit visité, après Desnos et Pessoa. Ce qui fait la qualité de l'album le dessert aussi quelque peu, forcément. Le disque est moins abouti, moins homogène que "Le bout du toit" ou "Fleurs de yeux". Plutôt que "Gratte Poil" il aurait pu s'appeler "Fourre-tout" ou "Sac banane" comme le beaujolais de cette année, justement. Mais à l'heure où il est de bon ton de rejoindre la vague néo-réaliste avec plus ou moins (Casse pipe) de bonheur, les Têtes Raides gardent toujours (au moins) un disque d'avance.