En Italie, il n’y a que des vrais hommes

Luca de Santis et Sara Colaone

par Francois Branchon le 07/02/2010

Note: 9.0    

A la fin des années vingt, Benito Mussolini refusa de légiférer contre l'homosexualité au prétexte que "En Italie, il n’y a que des vrais hommes", une habitude des dictatures que de nier l'existence de ceux qui les dérangent (L'URSS et la Chine n'ont pas fait mieux), ce qui ne les empêche pas de réprimer, voire de supprimer. La dictature italienne opta pour l'exil forcé, dans une île-prison en face des Pouilles. Ce bagne dura de 1928 à la fin de la deuxième guerre mondiale, dans un silence et un non-dit absolus, un épisode de l'histoire italienne et de l'homosexualité en général resté inconnus, les victimes n'ayant obtenu aucune réparation de l'Etat italien, quand elles n'ont tout simplement pas osé les revendiquer.

Merci donc à Luca de Santis et Sara Colaone de sortir de l'oubli cet épisode monstrueux de l'Histoire italienne. Romancé, leur récit est habilement construit : deux journalistes (Ricco et Nico) partent à Salerne rencontrer Antonio Angelicola, une victime du bagne pour tourner un sujet sur lui. Cette mise en perspective entre personnages réels et fictifs permet une intrigue interne, mais sans jamais oublier les faits, issus de témoignages vérifiés. Les deux auteurs ont en effet effectué de sérieuses recherches, le livre est d'ailleurs préfacé par des historiens italiens de l’homosexualité et se conclue par un entretien de 1987 avec l’homme qui a inspiré le personnage d’Antonio. La forme est très littéraire, mais le dessin est doux, et cette BD (roman graphique peut-on dire) se lit très bien.

Révélant des faits inédits, le bouquin devrait faire réfléchir, particulièrement ceux qui, dans nos sociétés légalistes européennes, pensent que les droits acquis le sont pour toujours, particulièrement ceux des femmes ou des homosexuels. Et, laissant de côté les réflexions du Pape dont c'est là le fond de commerce habituel (sexualité = procréation), certaines tendances du moment pourraient laisser penser que ces idéologies totalitaires ne sont pas tout à fait éteintes. Dans l'Italie berlusconisée de 2010 (où l'extrême-droite partage le pouvoir), une des applications iPhone la plus téléchargée en janvier dernier était... un discours de Mussolini !! Et en France même, pays en voie de sarko-berlusconisation dans l'indifférence générale et apathique des masses ("préparées" par des années de TF1), quelques cafards annonciateurs de régression sont aussi à l'œuvre. Tenez, prenez ce Monsieur "Vichy avait raison" Zemmour, banalisé par Ruquier et le "service public" de télévision : il déclarait le 6 février dernier (France 2 "On n'est pas couchés") "accepter l'homosexualité signifierait accepter la mort de la race" !! Sans commentaires...

Il serait particulièrement temps que les homos français, dépolitisés par l'assommante pseudo "culture gay", se remettent à penser avant qu'il ne soit trop tard. Debout les gars !


Titre original : In Italia sono tutti maschi (2008)
Traduction : Claudia Migliaccio