Skyline society

Major Deluxe

par Jérôme Florio le 05/08/2005

Note: 8.0    

Il y a quelque chose en Belgique, une communauté d'esprit, qui pousse des musiciens à tenter quelles belles lignes de fuite très hors de portée de notre encroûtage national dans la "nouvelle chanson française" : au tour du quintette Major Deluxe de prendre la tangente en déjouant avec subtilité les schémas attendus d'un disque pop.

Pas d'esbroufe mal placée, les canevas des chansons sont simples, nuages folk en accords ouverts, filets aux mailles larges qui laissent passer beaucoup d'idées et d'instruments (à cordes, à vent, claviers...). On suppose un lent et patient travail d'arrangements, mais dans un studio à ciel ouvert : "Skyline society" respire tout sauf le renfermé, et c'est plutôt l'air du large qui pousse les compositions vers des directions inattendues. Rien que dans le premier titre "She's a hero", une guitare électrique en trompe-l'oeil ouvre sur un piano cubain chaloupé, puis un final tout en percussions latinos.

De la pop lettrée en quelque sorte, presque aristocratique, mais à l'esprit ouvert : on pense par éclairs à Robert Wyatt, Pink Floyd ("Golden"), les orfèvres Burt Bacharach et John Cunningham, à la mélancolie ourlée de trompettes des Pale Fountains, ou encore Tim Buckley avec ces soli jazz dans l'esprit de son guitariste Lee Underwood. Un creuset "easy-listening" qui n'est facile qu'en apparence, partageant plus d'une ressemblance avec le récent "The opposite is true" de Morning Star : "Skyline society" a été enregistré à Bristol, avec l'assistance de Jesse Vernon et Jim Barr (Portishead).
Les chansons de Major Deluxe, bien que moins solidement charpentées que celles de Vernon, creusent leur sillon avec plus de constance. Leur trame lâche, translucide, semble faite pour accueillir cuivres et choeurs qui font leur travail d'embellissement en se prélassant parfois longuement, en essayant de trouver un point d'équilibre mélodique et harmonique toujours flottant.

Par des routes détournées, le chant "laid-back" de Sébastien Carbonnelle peut ramener à Calexico : "Skyline society" pourrait être une musique de frontière, d'un pays limitrophe à la fois du Brésil, de l'Angleterre et des USA. Bordé par des plages délassantes et jamais lassantes.