Estratexa

Manta Ray

par Jérôme Florio le 23/04/2003

Note: 8.0    

En embarquant à bord du quatrième disque de ce groupe espagnol, on ne part pas en croisière sur une mer d'huile : sous la surface, de profonds courants agitent les fonds sous-marins. L'Homme n'est pas ici dans son élément, le chant se fait parcimonieux et laisse la barre à des instrumentaux emmenés tout du long par une section rythmique sévère et martiale ("Estratexa", "Monotonia"). Des blip-blip de sonar, une basse aux allures aquatiques ("Take a look") évoluent comme les ondulations gracieuses d'une raie manta. Mais attention, les mammifères marins sont capables de repérer l'odeur du sang à des kilomètres de distance : dans la descente vers les abysses, on croisera l'armée de Cortez dans le court et saturé "Asalto" (dont la basse rappelle "Echoes" de Pink Floyd, autre monstre marin), et aussi dans "Ebola" où des guitares-sondes assènent de terribles coups à des trompettes qui barrissent comme des éléphants furieux et apeurés. Saisi par l'ivresse des profondeurs, l'auditeur se laisse hypnotiser par "Another man", belle montée en puissance d'un mur de guitares. On est un peu dégrisé par "Cientotrece" qui tourne vite en rond ; et dans le faussement calme "Mellow ding", entre flûte aérienne et theremin, on ne sait pas trop où on en est, face à ce disque qui adopte au final une forme floue, indécise, comme un poisson qui glisse entre les doigts.