What it says

Marc Copland & Gary Peacock

par Sophie Chambon le 01/03/2004

Note: 9.0    

Du phrasé et du caractère dans cette musique où se rejoignent Gary Peacock et Marc Copland à la recherche de ce que ça dit, "What it says".

C'est Bill Zavatsky qui a inspiré le titre : les deux amis, qui arborent un air de ressemblance frappant, nous convient à entrer dès la première composition "Ladder" dans un univers de silence et de méditation, d'harmonies délicates et de mélodies subtiles : douze pièces écrites et libres constituant autant de tableaux où la jouissance du son le dispute à l'intelligence du propos. On est placé en effet au coeur du son dont les harmonies irisent (grâce au travail toujours impeccable de Gérard de Haro) les contours d'un paysage qui incite à la rêverie. Par un formidable pouvoir d'évocation, on accède à l'arrière-pays des musiciens, au plus près. La contrebasse de Gary Peacock volubile, tour à tour impulsive et retenue, se fait caressante. Le piano de Marc Copland tient constamment en éveil, soutient l'écoute limpidement, dégageant la grâce d'une écriture aérée, poétique au meilleur sens du terme. Le poème d'Alain Gerber s'inscrit dans celui de Bill Zavatsky, intercalant couleurs et langues différentes.

La musique des mots affleure de façon impressionniste, révèle les bruissements autant que les déclarations des deux instruments. La dimension imaginaire de la poésie s'accorde avec le fond intimiste, parfois mélancolique de cette musique, tout en y ajoutant des couleurs et même des élans qu'on ne soupçonnait pas. Comme si, au contact de cet autre lui-même, le contrebassiste avait retrouvé vigueur et désir. Jamais le terme de "climat" n'aura mieux défini ces plages sonores où se déploie une sensibilité "atmosphérique". Ces musiciens nous donnent une leçon de maîtrise, d'autant plus étonnante qu'elle parvient à ce niveau d'intensité et de justesse par l'audace du manque, et la connivence des sens et de la pensée, au-delà des styles musicaux. Piano et contrebasse inventent avec élégance leur propre liberté, et font entendre avec évidence toutes sortes de nuances, à l'exemple de "Watching the silence" ou "In the dance" : il faut saisir le mot de passe, l'égalité des lettres des deux noms et prénoms, Copland et Peacock, Mark et Gary, véritable miroir de la musique partagée, où l'inaltérable amitié embrasse la perfection musicale.