| | | par Chtif le 28/10/2004
| Morceaux qui Tuent Bombed Come to me
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| Au palmarès des villes rock, Seattle arrive dans le peloton de tête. Ses trottoirs ont enfanté la furia urbaine de Jimi Hendrix, et cest dans ses caveaux moites que sest fomentée la dernière révolution musicale en date, le grunge. Le mouvement, éphémère, na pas résisté aux pompes à fric du business et sest définitivement éteint avec Kurt Cobain. Assurément, seuls les plus vigilants ont réussi leur reconversion. Pour un Dave Grohl (batteur de Nirvana puis leader des Foo Fighters) à la crédibilité intouchable et au succès ininterrompu, combien déambulent à présent hagards dans leurs jeans troués dépoque, tentant de comprendre ce qui a bien pu leur arriver ?
Dailleurs, que sont devenues les figures emblématiques du grunge ? Chris Cornell (Soundgarden) cherche difficilement un second souffle au sein dAudioslave. Eddie Vedder sévit encore au sein de Pearl Jam, et multiplie les collaborations plutôt futées (Nusrat Fateh Ali Khan, Pete Townshend
). Layne Stanley (Alice in Chains), lui, a pris à gauche à la croisée des chemins, en 2002
Mark Lanegan, enfin, officiait comme chanteur des Screaming Trees. Un véritable rescapé de Seattle que ce chanteur-là. Cest quil a forcé la dose, par le passé, le gaillard. Aujourdhui assagi, il ne garde de cette époque que laridité de son visage buriné par la vie de squat. Aujourdhui, finies les giclées incontrôlées. "Bubblegum" ("Chewing-gum"), son sixième album solo, offre le panorama dun chanteur maître de ses capacités, conscient de son passé, mais pas débarrassé pour autant de ses vieux démons.
Lalbum débute pourtant en toute sérénité, sur quelques notes de piano jazz, de discrètes percussions, jusquà ce que la voix envahisse lespace : grave, fantomatique, à la fois rassurante et perturbée, un glissement de velours sur papier de verre. Cette voix, ample à la Tom Waits, façonnée par des milliers de sans-filtre, cest toute laffaire du disque. Elle se fait charmeuse sur de bienveillantes pop-songs couleur western ("One hundred days", "Out of Nowhere"), bouffée par le manque sur le métallurgique "Methamphetamine blues", fuzzy comme les guitares stoogiennes de "Sideways in reverse", ou lascive sur de répétitives complaintes au rythme dhorloge ("Wedding dress").
Mark Lanegan sentoure ici dillustres fines lames aux bottes secrètes imparables. Izzy Stradlin, et Duff Mc Kagan déversent leur romantisme dex-Guns N Roses sur "Strange religion". Josh Homme et Nick Oliveri plombent comme à leur habitude une ambiance barrée sur plusieurs chansons (Mark Lanegan avait dailleurs transcendé "Song for the dead" sur le dernier album des Queens of the Stone Age). Polly Jean Harvey est également invitée, le temps dun "Hit the city", un brin soporifique, et surtout dun "Come to me" absolument réussi, à la délicatesse chirurgicale.
La meilleure surprise de cet album est également la plus courte : Mark Lanegan retrouve son ex-femme Wendy Rae Fowler pour un "Bombed" dépouillé à lextrême. Un ballet de voix entrelacées dune minute dix, rappelant fortement la collaboration entre P J Harvey et Thom Yorke ("The mess were in", 2000).
Le texture dévoilée par ce "Bubblegum" est confondante : les morceaux sont desséchés comme autant de carcasses abandonnées aux vautours du Grand Canyon. Un folk rock lucide et désabusé, au carrefour entre Nick Cave et le R.E.M. de "New adventures in hi-fi". Le grunge est bien loin, mais le bonhomme préfère désormais arpenter le sentier stoner quand on lui cherche des noises. S'il est vrai que lon peut craindre le côté trop lancinant de certains morceaux, ce "chewing-gum" là laisse un goût de sable brûlant dans la bouche, et pourrait bien vous coller à la peau de longues nuits durant. |
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