Mystery seas (Letters written No2)

Martyn Bates

par Jérôme Florio le 24/08/2006

Note: 9.0    

Tomber sur une personnalité aussi atypique que Martyn Bates n'est donné qu'à l'amateur rock éclairé : c'est un artiste quelque peu ignoré, malgré son projet le plus connu, le groupe Eyeless In Gaza fondé avec Peter Becker en 1980 (et qui tourne encore).

Peu disert et confiné dans l'obscurité depuis les débuts de sa carrière solo, il publie toujours des disques mais très rarement dans le format chanson. Ce "Mystery seas" (pensé comme une suite à "Letters written", premier album sous son nom paru en 1982), au contenu très personnel, en est pourtant une démonstration lumineuse. Martyn Bates plante un décor qu'il habite comme peu sauraient le faire : des histoires de mer, de brume, de ports, qui ont presque l'allure de traditionnels – mais un folklore à inventer, dans lesquels subsiste une certaine raideur du début des eighties qui les tire vers l'abstraction. Des lignes de fuite qui rejoignent celles du label Cherry Red au début des années 80 (la compil "Perspectives & distortion", sur laquelle apparaît Eyeless In Gaza). La voix de Bates, très mélodieuse, peut se comparer dans ce qu'elle a d'affecté à des chanteurs comme Dave Gahan (Depeche Mode). Martyn Bates ose chanter, jusqu'à la superbe "On the beach of Fontana", un titre a cappella seulement nimbé d'écho.
Le son et le style pourront paraître datés à certains, mais il faut dépasser cette première impression. "Mystery seas" est minimaliste, sans rythmique ; Bates y construit un pont entre l'ancien, grave et noble (les mélodies, les orgues, l'harmonium), et la froideur technologique à laquelle il apporte un énorme supplément d'âme. Rarement des nappes de synthé auront aussi bien sonné, on croirait entendre des cornes de brume, ou des cornemuses... Les amateurs de la Nico de "Desertshore" ne pourront qu'apprécier.

Ce "Letters written #2" a été enregistré en 1995 (Peter Becker à la console), bouteille jetée à la mer que l'on (re)découvre aujourd'hui et qui a su garder intact son atmosphère prenante. Il fera sans doute le même effet dans dix ans.