Dopamine

Mitchell Froom

par Rodrigue Ducourant le 01/05/1999

Note: 6.0    

Voilà un cas de conscience pour la plume du mélomane. On aime Suzanne Vega et Ron Sexsmith, on y remarque le mixage si limpide du producteur Mitchell Froom (priorité à la voix, puis à la section rythmique et des pianos qui sonnent comme celui de John Lennon dans "Imagine"). Et puis, d'autres noms poussent à trépigner d'impatience (Lisa Germano, Mark Eitzel), à espérer une éclosion définitive (Sheryl Crow), des noms qui rappellent ces phrasés redoutables et ces tessitures remarquables (M. Doughty de Soul Coughing), et on se dit que cette concentration d'intelligences "extra-sensorielles" est finalement un peu louche, bien que séduisante. C'est un peu X-men ©, les mutants aux super pouvoirs et leur mentor, le professeur Xavier : "Dopamine" n'est pas une compilation, pas un concept albuminé, pas un disque promo genre "le monde selon mon label indépendant", mais pas non plus un simple album de Mitchell Froom. On pourrait se dire que, comme Gainsbourg, "il les fait chanter", mais le travail de déconstruction qu'il impose à lui même et aux autres les contraint presque à les faire "déchanter", à se désincarner d'eux-mêmes, une vraie mise en danger. Mitchell Froom change leur silhouette musicale grâce à un son plus lourd : un travestissement acoustique, une véritable perversion de la résonance. Alors il y a tous ces freaks qui se découvrent d'autres capacités, sa femme Suzanne Vega la première, qui se violente comme jamais ("Dopamine"), une Lisa Germano sûre d'elle ("Kitsum"), un Mark Eitzel inquiétant ("Watery eyes"). Et puis dans cette troupe de mutants, il y a le personnage touchant, le chérubin Ron Sexsmith, à la voix "défigurée" par son mentor, en mix d'Elephant Man et du fantôme de l'Opéra, déclamant un rare état de grâce et d'amour sur "Overcast". Au final, "Dopamine" impose quelques gênes, et un peu de plaisir.