The opposite is true

Morning Star

par Jérôme Florio le 27/05/2005

Note: 7.0    
Morceaux qui Tuent
Black swan
Breaking through the waves


La ville de Bristol est connue pour avoir engendré un son narcotique et cafardeux, qui brasse soul, hip-hop et musique électronique : le "trip-hop" – une étiquette qui a fait long feu, Massive Attack en plein retour de l'ère glaciaire eighties, Portishead en veilleuse depuis huit ans.... Mais dans la grisaille bristolienne, une éclaircie : Jesse Vernon, qui offre ici avec "The opposite is true" un troisième disque placé sous le soleil exactement.

Après John Parish (producteur et guitariste pour PJ Harvey), c'est le français Benoît Rault (Ben's Symphonic Orchestra) qui aide Vernon à organiser un bal d'instruments finement arrangés : un travail très cinématographique, qui balaye en un soyeux travelling tout un spectre de styles musicaux. La sensibilité pop sucrée qui recouvre le tout pourrait inventer un nouveau genre d'easy-listening.

Jesse Vernon a une affection particulière pour les sixties, et cela se ressent dans son écriture d'une grande limpidité : rock typé Kinks sur "Invisible man", la mini-symphonie "Newt love" en clin d'œil évident à "Pet sounds" des Beach Boys (enfin, Brian Wilson). "Cuckoo" est un folk anglais aux accents traditionnels, un genre que le groupe Fairport Convention avait replacé dans la pop music de la fin des années soixante. Le chant et les riches arrangements doivent aussi à une adoration des crooners de ces années-là (Sinatra, Elvis), soul ("Too much love") ou rock ("Sunbeam"). "The opposite is true" commence aussi de la plus belle manière : la délicate "Black swan" fait donner le port de Bristol sur des eaux calmes et sombres, où trônent des sirènes (les chœurs féminins) et des nénuphars.

Avec ces influences placées aux quatre points cardinaux, Vernon choisit la dispersion : malgré un talent évident de composition, la note n'est que de 7/10 car on se demande si le foisonnement instrumental ne vient pas recouvrir inutilement une écriture simple et directe. Les talents de Jesse Vernon sont encore trop dissimulés : c'est un très bon guitariste, ce qui n'apparaît pas forcément sur le disque. On a pu le vérifier lors d'un récent concert, où il dégageait l'aura cool d'un Buddy Holly de banlieue qui joue avec la classe (et la Fender) de Hank Marvin (The Shadows). Resserré autour d'une formation basique (plus banjo et trompette), Vernon et son groupe excessivement sympathique nous ont vraiment expédié la tête dans les étoiles.