First chapter : The call of Circé

Mettez Murcof et Philippe Petit dans une même pièce. Confiez-leur quelques machines à bidouilles. Laissez bouillir. Et voilà le travail ! L’album n’entame en rien leur réputation d’expérimentateurs puisqu’ils s’attachent ici à donner une illustration mélodico-noise de grandes épopées mythologiques. La première pièce, "The call of circé", est peut-être celle qui rend le plus honneur, d’une part, à la puissance sonore du mythe, et, d’autre part, à la profondeur créatrice de l’album. Dès l’entame, nous nous frayons un chemin dans une musique d’outre-tombe, attendant sans répit le réveil d’un monstre. Des instants mélodiques viennent emplir un magma de signaux de détresse. Nous naviguons sur des eaux lointaines et dissonantes. Des voix glaçantes alimentent cet univers intimidant. A mi-parcours, "The call of circé" suit une cadence plus nette, à coups de frappes métalliques. Différents mouvements se succèdent ainsi, laissant entendre, tantôt des voix trafiquées, tantôt un continuum de cloches. Ce morceau dégage une beauté sombre qui domine le reste de l’album.
 
Murcof et Philippe Petit procèdent véritablement par tableaux sonores, concaténant plusieurs illustrations noise d’une même humeur. Nous sentons ici l’influence de la musique contemporaine, celle des belles bizarreries qui vous laissent groggy. Au fur et à mesure du déploiement de ses méandres sonores, la dernière pièce "The summoning of the kraken" nourrit ainsi une vive sensation d’étourdissement. Murcof et Philippe Petit s’appliquent à nous déconnecter du monde tel qu’il est, nous invitant à franchir des frontières mystérieuses.
 
S’il n’est pas toujours évident de se raccrocher aux branches mythologiques de nos deux compagnons, en particulier à l’écoute de "Pegasus", plus grinçant, moins envoûtant, le fruit de leur rencontre n’est pas seulement à classer au rang des curiosités expérimentales - il y a dans leur son quelque chose d’inouï qui vous traque et vous poursuit : la force du mythe ?