Nancy Sinatra

Nancy Sinatra

par Emmanuel Durocher le 30/12/2004

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Let me kiss you


Ça peut être marrant les autocollants sur les disques ! Celui-ci annonce le "retour de l'icône du cool"… icône de la fraîcheur à soixante quatre ans ? ou message hautement subliminal annonçant le retour d'une des plus grandes (pas par le taille) chanteuses des années soixante ?

Un "retour" médiatique s'entend, car Nancy Sinatra, même oubliée, n'a jamais cessé de chanter ni d'enregistrer des albums (celui-ci doit être son dix sept ou dix huitième), et ces derniers temps ses chansons réapparaissent, "These boots are made for walking" en pub TV, "Bang bang" dans la BO de "Kill Bill" du grand (Tarantino), une rediffusion de James Bond ("On ne vit que deux fois") ou des reprises, de plus (le superbe "Sand" par Lisa Germano et OP8) ou moins ("Somethin' stupid" par Nicole Kidman et Robbie Williams) bon goût. Mais cette célébration ne semble pas se limiter pas à ces anecdotes puisqu' aujourd'hui son influence est revendiquée.

C'est ainsi sa fille aînée AJ Azzarto et son mari Matt (musiciens dans des groupes indépendants américains) qui ont réussi à convaincre maman de participer à un projet où des artistes-admirateurs lui composeraient de nouveaux titres. Morrissey himself (idole de jeunesse de AJ), Thurston Moore (Sonic Youth), Joey Burns (Calexico), Jarvis Cocker et Richard Hawley (Pulp), Bono et The Edge (U2), Jon Spencer, Steve Van Zandt et quelques potes... Du beau monde et une prise de position musicale respectable de Nancy Sinatra, plus artistique que commerciale. Cela restait cependant une exercice périlleux pour la fille quand on sait que les chansons de la mère restent associées dans l'imaginaire à Lee Hazlewood et à leurs duos entre 1966 et 1969 - avec des titres aussi importants que "Some velvet morning", "Summer wine", "Lady bird" ou "Sand" - et que ce genre de projet - "interprète avec pleins de compositeurs qui rendent hommage" - est plutôt casse-gueule (cf Marianne Faithfull).

La pochette de l'album, simple et sans effets, montre son visage en noir et blanc, pas très net, interdisant de lui donner un âge, soulignant un peu plus le caractère intemporel de sa musique : d'entrée, "Burnin' down the spark", la collaboration avec Joey Burns de Calexico séduit, les sonorités tex-mex s'adaptent à merveille à sa voix et fixent d'emblée le haut niveau de l'album. Les artistes ont écrit sans concession et la chanteuse s'épanouit dans des registres différents (et cette voix, à se demander qui est "The Voice" dans la famille !) : les magnifiques ballades hazlewoodienne de Cocker et Hawley ("Don't let him waste your time", "Baby's coming back to me"), la comptine "Momma's boy" de Thurston Moore que l'on dirait chantée par une fillette ou le blues de "Ain't no easy way" avec Jon Spencer. La palme revient cependant à "Let me kiss you" déjà présent sur "You are the quarry" de Morrissey, une version féminine où l'ancien chanteur des Smiths s'invite par moments et qui semble avoir été écrite comme une ode douce-amère à la déesse en bottes faites pour marcher. Quel dommage que l’album se termine par le médiocre "Two shots of happy, one shot U2 sad" de Bono et The Edge de U2, sorte de jazz vocal sans âme comme on en entend trop par les temps qui courent.

Un exercice inégal donc mais de très haut vol, qui donne une seule envie, que ce one-shot se continue avec d'autres invités (Radiohead, Kings of Convenience, Mirwais…), mais chère Nancy, ne perdez pas trop de temps car contrairement à ce que dit une de vos chansons "You only live once".