North Sea Radio Orchestra

North Sea Radio Orchestra

par Jérôme Florio le 20/11/2006

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Every day hath its night
Minnermus in church
He gives his beloved certain rhymes
He wishes for the cloths of heaven


North Sea Radio Orchestra (NSRO) n'a même pas de page Myspace. Les pauvres. On a pourtant dû leur dire que ce n'est pas avec de la belle musique que l'on fait chauffer la hype et la une des magazines culturels ! A ceux lassés des enthousiasmes programmés d'avance, et des groupes qui jouent trop bien la musique de leurs aînés pour n'être autre chose que des néo-conservateurs, tendez l'oreille : "North sea radio orchestra" est un disque florissant de musique classique au format pop – à moins que cela ne soit l'inverse.

A l'origine de la fondation du NSRO par Craig et Sharron Fortnam en 2002, la belle envie de mettre en musique la poésie des grands auteurs, et de promouvoir la jeune création classique anglaise (et notamment celle de Craig). Au fil du temps, l'orchestre s'est étoffé jusqu'à comprendre une vingtaine de membres qui sont auteurs, chanteurs et musiciens. Alors que la sphère pop est sursaturée d'egos, on a bien du mal à isoler un quelconque leader dans le North Sea Radio Orchestra. Les principaux compositeurs sont aussi performers : Craig et Sharron Fortnam, William D. Drake et James Larcombe se connaissent de longue date, par leur implication au sein de nombreux groupes pop et projets parallèles (Lake of Puppies, Cardiacs, fFortingtons, Stars In Battledress…).

Bien que le NSRO s'abreuve à une culture musicale très anglaise, les amateurs de disques richement arrangés comme ceux de Sufjan Stevens devraient apprécier. Plus près de Benjamin Britten que des cabotinages de Divine Comedy, on approche de l'esprit idéal des "teenage symphonies to God" rêvées par Brian Wilson : l'écoute de "North Sea Radio Orchestra" semble convier à une célébration – de quoi au juste on ne sait pas, la poésie, la nature, la vie, sans doute un peu de tout cela en même temps.

Le disque se partage entre mises en musique de poèmes au format chanson, longues pièces instrumentales symphoniques, et miniatures pour instrument seul. Après l'intro de "Organ miniature", "Every day hath its night" est l'adaptation par William D. Drake d'un texte de W.B. Yeats. C'est une pièce enlevée à laquelle la voix de Sharron Fortnam donne une fraîcheur aérienne – Kate Bush en moins cérébrale. Et comme chez Proust, un son peut faire ressurgir des souvenirs enfouis : là c'est le basson, qui me rappelle le 33 tours de "Pierre et le loup" (Prokofiev) de mon enfance. Sharron fait aussi mouche sur "Joy for my heart", accompagnée d'une guitare (classique, mais jouée presque folk comme sur "Guitar miniature") et sur "He wishes for the cloths of Heaven" (autre gracieuseté sur un poème de Yeats). Définitivement rien à voir avec ces cantatrices qui se sont essayé au format pop pour des résultats inintéressants (Barbra Hendricks, Anne Sofie Von Otter…). Et quand sa voix assurée mais fragile s'extrait du chœur à la fin de "Chimes", c'est assez merveilleux. Les chœurs sont d'ailleurs très présents : la planante "Shelley's skylark", "He gives his beloved certain rhymes" (Yeats encore), et surtout "Minnermus in church", composition de Larcombe pour chœur, harpe, cordes et piano. Les morceaux les plus longs sont construits sur des mouvements qui combinent l'efficacité de phrases mélodiques que l'on rencontre dans la pop (le piano de "He gives his beloved certain rhymes") et des développements orchestraux.

Arrangé et écrit rigoureusement comme de la musique classique, mais concentré et poignant comme de la pop : "North sea radio orchestra" est un petit trésor pour les oreilles.


NORTH SEA RADIO ORCHESTRA End of chimes (Clip)