Mafate

Olivier Calmel Quartet

par Sophie Chambon le 04/02/2005

Note: 8.0    

Nous avons déjà signalé en son temps tout l'intérêt que l'on trouvait au pianiste Olivier Calmel et à ses diverses formations : il récidive à la tête de son quartet, créé en Juin 2000, à l'orchestration originale et au répertoire fortement transversal.

"Mafate" est une invitation pour ceux qui croient en la magie des voyages musicaux dans l'espace et le temps. Styles et tempos alternent, formant la matière thématique de ce récital : de la biguine ("Le rocher d'Ayers") au tango jazzifié ("Piazotango"), du funk à l'afro-jazz, sans oublier un final au piano solo, plus classique avec la "Sonate pour deux pianos", douce et insistante : c'est en fait le deuxième mouvement d'une sonate d'une quinzaine de minutes écrite à la demande de deux pianistes, dont la création est à venir... Les rythmes de ces titres n'empruntent pas toujours aux folklores des pays visités, Olivier Calmel a plutôt transcrit avec élégance et sensibilité les émotions que lui a inspirée la découverte de paysages du monde aussi divers que Mafate (titre éponyme), Ayers Rock ou Sienne ("Il Palio").

La pochette aux couleurs vives et chaudes, en adéquation avec les climats explorés en musique, est une réussite. Traversant la belle planète des musiques actuelles, évoluant de climats engagés et percussifs avec l'impeccable Karl Jannuska ("Nomade"), vers des moments de plus intense méditation ("A regret"), le jazz est vivifié dans tous les sens possibles, tous sens en éveil : ainsi est recréé un univers mélodique, qui swingue au sens le plus noble du terme, rafraîchissant, serein et réfléchi.

Olivier Calmel fort d'une solide formation, ne se contente pas de conduire le groupe et de composer la plupart des titres. Il assure une mise en place efficace et précise, privilégiant une interaction subtile, sans dédaigner un jeu accrocheur et lyrique, adressant même un clin d'œil à un des maîtres incontestés du piano et du Fender Rhodes, Herbie Hancock (l'interlude "Chasseur de têtes" tiré de "Watermelon man"). L'instrumentation du groupe fait la part belle au violon alto, trop rare en jazz en dépit d'un timbre chaleureux et puissant que Frédéric Eymard, l'autre soliste, nous fait partager dans un "King Luis' song" ébouriffé et haletant, ou ce "Mafate" dans lequel il dérape, volontiers électrisant. Quant à la "ghost track" avec Luiz De Aquino à la guitare sept cordes, enregistrée pour un film dont Oliver Calmel a fait la musique, "Close-up", elle fait office de coda, message triste et néanmoins porteur d'espoir. Car c'est ainsi, la musique d'Olivier Calmel célèbre à sa façon, simple et lumineuse, une certaine foi en l'homme et en son avenir, dans une nature un jour réconciliée.