Manners

Passion Pit

par Jérôme Florio le 12/08/2009

Note: 6.0    

L'histoire est trop belle pour être vraie, mais allez savoir : "Manners" arrive sur notre platine grâce à la petite amie de Michael Angelakos, qui a fait circuler sur son campus universitaire quelques titres qu'il avait composé pour elle à l'occasion de la Saint-Valentin. Le bouche-à-oreille aurait fait le reste : on a juste un peu de mal à faire le rapprochement avec le disque surproduit qui passe entre nos oreilles.

Michael Angelakos capitalise brillamment sur le mal-être générationnel adolescent, dans une posture à la fois exaltée (la voix très haut perchée) et régressive vers une électropop eighties fantasmée, euphorisante ("The reeling"). Un véritable catalogue des sonorités cheap et dansantes, des claviers aux breaks de batteries électroniques, le tout revu assez bourgeoisement ("Eyes as candles" rappelle... Foreigner !).
Difficile de ne pas établir de comparaison avec MGMT, les perdreaux de l'an passé, étudiants novices pris en mains par un producteur d'envergure (David Friedmann) ; difficile aussi de ne pas prévoir le même avenir proche pour Passion Pit, quand on voit la méchante tambouille que les MGMT servent en live, loin du confort du studio d'enregistrement.
Avec son falsetto, ses choeurs démultipliés, Angelakos fait l'hybridation entre les Beach Boys et Jimmy Somerville, mais l'interprétation et le déroulé des chansons sont vite répétitifs (sauf la chair à remixes "Sleepyhead"). Bien qu'il fanfaronne en citant Ingmar Bergman dans ses interviews, son talent apparaît pour l'instant plutôt unidimensionnel. Puisqu'il autorise la comparaison, il y a bien sûr un monde entre l'épure du cinéaste suédois et le fourre-tout des arrangements de "Manners"  - on pense aux errements épuisants de Kevin Barnes (Of Montreal), en plus léger toutefois.

Le fond des chansons n'est pas rose, Michael Angelakos recouvre ses états d'âme d'une enveloppe clinquante, très voyante. Extrême pudeur ou plaisir de pervertir la pop ? On se demande si son désir inavoué ne serait pas de finir en reflet bleuté sur un écran de TV, comme la Nicole Kidman arriviste de "Prête à tout" ("To die for", 1995) de Gus Van Sant.



PASSION PIT Sleepyhead (Clip 2008)