Grace / Wastelands

Peter Doherty

par Jérôme Florio le 30/04/2009

Note: 7.5    

Pete(r) Doherty aurait-il trouvé la voie de la sagesse musicale ?

"Arcady", en ouverture de ce "Grace/Wastelands" signé sous son seul nom, le laisse penser : un pays imaginaire dans lequel les gens vivent d'art et de poésie, le tout emballé dans un très simple bluegrass acoustique. Un concentré d'anglitude parfaitement irrésistible, porté par la dégaine bohème et la voix de sale gosse éméché de Doherty. Jusqu'à présent, ce charme n'opérait que par intermittences (plus avec les Libertines qu'avec les Babyshambles toutefois), dans des instants de grâce bancale aussi désarmants que vexants de facilité débraillée -  la (non-)production à l'arrache de l'ex-Clash Mick Jones y était pour quelque chose. Les atouts de Peter Doherty passeraient-ils la rampe d'un son plus propre ? La réponse est oui, en grande partie, ce que l'on constate depuis que Stephen Street s'est collé au ravalement de la façade des Babyshambles ("Shotter's nation", 2007). Ce dernier est producteur des expressions les plus raffinées de la pop anglaise depuis plus de vingt ans : Smiths, Morrissey, ou encore Blur... dont le guitariste Graham Coxon assure ici (avec discrétion et brio) presque toutes les parties de guitare.

A l'heure d'une pop mondialisée et générique, Doherty joue la carte de l'exception culturelle ; il a le verbe haut (bien au-dessus du caniveau des tabloïds), ce qui lui permet d'éviter l'écueil de l'enfermement insulaire, le péché de la pop anglaise. Références à Oscar Wilde et à la Bible ("Salomé"), dub et ska dans la tradition des Specials (le très Gorillaz "Last of the english roses"), vieux films et bande-son surannée des années trente ("1939 returning" embelli par des cordes, "I am the rain") : le but de Doherty semble être d'exposer le mieux et le plus sincèrement possible l'étendue de son savoir-faire et de ses inspirations. Il ne se départit toujours pas d'une tendance à la mollesse, et "Grace/Wastelands" faiblit sur plusieurs titres : "I am the rain", ou "Sweet by and by" à la nostalgie un peu facile avec son orchestration jazz, ragtime, à la Randy Newman. La guitare de Graham Coxon en arrive à prendre naturellement le dessus, avec les effets sur "Palace of bone". La veine autobiographique fournit à Doherty des sujets de chansons assez commodes ("New love grows on tree"), mais là encore c'est la sensation d'honnêteté qui l'emporte.

Suit un "Lady don't fall backwards" d'une grande délicatesse, qui balaye nos réserves et se termine les bras grands ouverts : on a beau essayer de résister, Peter Doherty n'a pas à forcer le passage pour entrer dans les nôtres.




PETER DOHERTY The last of the english roses (Live TV Jonathan Ross Show)