Tadaloora

Phantom Buffalo

par Jérôme Florio le 04/09/2012

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Wedding day massacre
Gilded gate
Amator florist
Oldest man

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"... mais je crains bien que vous ne soyez fort désenchanté, mon cher comte, vous, habitué aux sites accidentés, aux événements pittoresques, aux fantastiques horizons [...] vous ne trouverez pas dans nos quatre-vingt-cinq départements la moindre montagne sur laquelle il n’y ait un télégraphe, et la moindre grotte un peu noire dans laquelle un commissaire de police n’ait fait poser un bec de gaz." Alexandre Dumas, en écrivant "Le comte de Monte-Cristo", ironisait sur la réduction des territoires inconnus. Vers quel nouveau monde se tourner pour avoir un peu d'aventure ?

Les groupes rock psychédéliques, américains surtout, se sont tournés vers les contrées intérieures – certains n'en sont pas revenus, ou avec des séquelles... Ponts, forêts & prairies, cornes de brume, drapeaux & châteaux, une famille royale : "Tadaloora", le cinquième disque du quatuor de Portland, se rapproche d'un imaginaire européen mais sans la tradition musicale qui a pu engendrer un groupe anglais comme King Crimson, par exemple. C'est au contraire une superbe et solide americana, faite de belles guitares et de mélodies, parfois acidulée comme du Donovan ("Sea lion saves librarian"). Les frontières du monde de "Tadaloora" semblent davantage découpées par la littérature que par la musique ; "Horse named Reginald", et un lapin fleuriste sur "Amateur florist" se rapprochent de l'univers de Lewis Carroll.

"Tadaloora" répond à la dispersion brillante de "Cement postcards" (2010) par une concentration des moyens – la formation rock basique, plus de rares instruments à vent -, et en même temps par un développement de l'imaginaire dans une direction précise, le groupe poussant l'immersion de l'auditeur jusqu'à lui proposer un jeu en ligne (non testé par mes soins, je suppose qu'il s'agit davantage de flânerie que d'un shoot-them-up hystérique).
Le premier tiers du disque est parfait : trompettes en introduction de "Gilded gate", folk-rock byrdsien ("Wedding day massacre") et ambiance psyché sépia excentrique sur "Amateur florist" ; Phantom Buffalo atteint même des sommets de romantisme sur "Stark glass man". Arrivés là, on aurait presque notre compte. La suite, bien que très réussie, se répète avec quelques variations, sans abuser de structures compliquées "à tiroirs". Une courte transition permet de caracoler à nouveau avec "Horse named Reginald", une efficace montée en puissance sur "Oldest man" et un riff lourd à la Black Sabbath qui n'influence que l'introduction (et la fin) de "Frost throat". Retour à de l'americana bien chromée sur "Flag city".   

"Journey to the Castle of the Racing Wind" est une échappée finale se dissolvant dans des guitares spatiales, comme si ce qui précédait n'avait jamais existé, conférant à "Tadaloora" un parfum réminiscent de rêve évanoui – mais que l'on peut heureusement revisiter à la demande.



PHANTOM BUFFALO Tadaloora (Bande-annonce)