Save our children

Pharoah Sanders

par Francois Branchon le 01/10/1998

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Jewels of love
The ancient sounds


Révélé par Coltrane qui l'associa aux trois dernières années de son œuvre, Pharoah Sanders fut souvent donné comme son héritier spirituel, surtout lorsque en 1969 paraît "Karma", disque beau et apaisé, entendu comme un écho au flamboyant et presque inaccessible "Love supreme" de Coltrane. Paradoxe que ce "Karma" : disque méditatif et serein, surprenant de la part d'un musicien qui opposait auparavant ses sonorités d'écorché vif, son bouillonnement brûlant et exacerbé à la plénitude majestueuse de son maître.

Presque trente ans plus tard, voici "Save our children", bouleversant de beauté, probablement le disque dont Pharoah Sanders rêvait depuis longtemps. Les années 80 l'avaient vu quelque peu errer entre recherches soul et quête de racines africaines. La rencontre avec Bill Laswell en 1996, fut semble-t-il déterminante. "Message from home" l'album qui concrétisait la rencontre avait beaucoup de défauts : trop dominé par la production, froid, cadre joli mais rigide, absence de vie.

Tout cela est gommé. Ici, Sanders se promène où il veut, comme il veut. Son expression est en paix, sinueuse et splendide. Seule parfois, une brève flambée rageuse étrangle la sonorité, frénétique cri d'amour, fureur vite calmée. Souvent le saxophone se met en retrait, et apparaissent d'autres chants : claviers-sitar de Bernie Worrell, percussions de Zakir Hussein et Trilok Gurtu, voix éblouissantes de Abdou Mboup, Abiodun Oyewole et Asante. Quand les rencontres deviennent incantations mystiques, elles atteignent au sublime : "Jewels of love" qui ondule comme les blés sous le vent du saxophone, "Kazuko" en apesanteur au-dessus d'une foule de rythmes retenus, "Far-off sand" et ses bouleversantes implorations à trois voix et enfin "The ancient Sounds" où se mêlent la basse swingante d'Alex Blake et un Sanders qu'on ne retient plus, évoquant le Coltrane magique de "Ole"!

Le jeune chien fou qui malmenait ses anches derrière ce même Coltrane au Village Vanguard a maintenant l'air d'un vieux sage africain. Son précédent album, ses participations lumineuses et remarquées aux derniers Jah Wobble et Terry Callier laissaient espérer un futur grand album. Il vient de trouver son Graal, réussissant une parfaite fusion jazz, rythmes indiens, rythmes africains, sérénité et méditation. Trois mots le résument : émotion, beauté et... Amour.