Teleconcerts

Pierre Bastien

par Hugo Catherine le 11/04/2006

Note: 8.0    

Pierre Bastien propose des compositions prégnantes et réfléchies, avides d'écoutes renouvelées, vivement conseillées. Rares sont les albums qui donnent à entendre une complémentarité interactive si poussée entre solistes instrumentaux, sons électroniques et processus mécaniques. En effet, "Téléconcerts" met à contribution, d'une part, Pierre Bastien à la trompette, Alexei Aigui au violon, Axel Lecourt aux sanzas et kas-kas, d'autre part Mitsuaki Matsumoto à la conception électronique, et, enfin, le fameux Mecanium de Pierre Bastien, autrement dit des sons et percussion de meccano, des tambours de papier et autre casiotone. Une fois n'est pas toujours coutume, les musiciens tendront une oreille gorgée de sons et les électroniciens ne pourront tarir d'éloges quant aux mélopées mélodiques.

Sous des allures répétitives, les morceaux rassemblent les thèmes de trompette, les expositions de violon et les instruments africains autour de milliers de micro-événements bruitistes, tant électroniques que mécaniques. Les mélodies sont exécutées l'air de rien, chiadées mais décousues, puisque, parfois, les petits bruits prennent le dessus, tels des chevauchées, des cavalcades, des marées. Dans "Téléconcerts", les instruments soi-disant nobles n'ont pas le loisir social de tenir le haut du pavé : ils sont happés par les bruits furtifs, les quelques zigouigouis, les soubresauts des sirènes, les sourds tambours.

Le travail de Pierre Bastien se joue sur la longueur : il est unique et unitaire ; il se nourrit de la répétition mécanique des structures, de la permanence des bruits et de l'exécution non empressée des mélodies. Parfois, deux ou trois notes se répètent à l'envi, des fulgurances d'inspiration africaine donnent la mesure ; puis, autour de la sanza, se trament des broderies de trompette, mode sourdine aquatique. L'acoustique, l'électronique et la mécanique se tiennent dans un mouchoir de poche.

Fraîche, enfantine, éventuellement griçante, la musique de Pierre Bastien pointe un non-lieu de la création sonore. Elle hypnotise et use tout à la fois. Son univers, expérimental et accessible, en appelle à une forme d'universalité bricoleuse.