Three free trees

Pokett

par Jérôme Florio le 09/10/2010

Note: 9.0    

Troisième disque pour Stéphane Garry alias Pokett : après la sophistication de "Peak" (2004) et ses nombreux invités, "Three free trees" affiche une humeur aussi joueuse que son titre – deux chansons en 3'33, pour une durée totale de 33'33... et des lunettes 3D vintage données avec la version vinyle.

L'effet est immédiat : "The way down" impose au contraire une tonalité plutôt "up" – du pop-rock dynamique et très bien construit, qui donne envie de taper du pied. Tout "Three free trees", même dans ses moments plus en retenue, est ainsi franc du collier, bien envoyé et direct. A l'opposé de "Peak", Stéphane Garry choisit une voie plus simple et un groupe resserré autour d'une formation guitare / basse / batterie on ne peut plus classique. "Three free trees" est un peu échafaudé comme un mille-feuilles, alternant chansons enlevées avec des douceurs plus acoustiques : c'est là encore une recette maintes fois éprouvée, mais qui nécessite un bon tour de main pour être réussie... et elle l'est. Les emballantes "Like a knife" et "Someone" font oublier le dernier disque si peu original de Teenage Fanclub ; les harmonies vocales et le solo charmant, un peu kitsch, de "Someone" s'impriment entre nos oreilles. Pokett aime poser des petites touches délicates sur un tableau aux lignes claires, à la fois évidentes et plus complexes qu'il n'y paraît : les pickings acoustiques de "Take me home" et "Make it last" (on pense à Elliott Smith...) sont discrètement embellis d'une touche de bottleneck, de glockenspiel ou d'un arrangement de cordes aussi court que soigné. Chaque titre a son petit "plus" qui accroche et qui relance l'intérêt à chaque écoute, sans pour autant verser dans un gimmick : par exemple, la basse de "A sinking island" stratégiquement mise en avant pour faire groover la chanson.

A la fois pressé d'en découdre et patient - des qualités qui ne font pas forcément bon ménage sur un disque pop -, "Three free trees" s'essaie à l'envol plusieurs fois avant de décoller pour de bon, sûr de son coup. C'est souvent un riff de guitare qui vient faire la différence et donner une nouvelle direction : les guitares se taillent d'ailleurs la part du lion, avec des solos et des dédoublements à l'octave typiques du style... metal (!). Cela fonctionne un peu comme les fusées spatiales qui se débarrassent progressivement de leurs étages : on est d'abord aiguillonné par les entrelacs de guitares de "A sinking island", qui s'échouent dans un court finale rêveur ; "Happy the one" répète en boucle son riff comme à la fin de "Rock'n roll suicide" de David Bowie ; "Livin in here", qui bénéficie d'un traitement sonore plus spatial et biscornu tout en restant très lisible, largue vraiment les amarres. Comme un résumé idéal de ce qui précède, "Three more chords" termine en beauté : après un début tout zen, le chant se tait assez tôt pour laisser s'empiler méthodiquement des boucles de guitares noisy, avec un épilogue uniquement et puissamment rythmique.

A l'image de l'arbre de la pochette, "Three free trees" est un disque qui respire, et on a souvent envie de prendre un bol d'air en sa compagnie.



POKETT Someone (Clip 2010)