Mon cerveau dans ma bouche

Programme

par Francois Branchon le 19/01/2000

Note: 8.5    
Morceaux qui Tuent
Demain
Le jour est le brouillon de la nuit


Quatre ans après la fin de Diabologum, Arnaud Michniak, en compagnie de Damien Betous, refait surface avec Programme. Dès le premier titre, l'album justifie son statut annoncé de provocateur ("Je ne tiens pas particulièrement à vous accrocher avec du style mais j'y suis obligé sans quoi il n'y aurait sans doute pas lieu d'être commercialisé") et provoque un sentiment de fascination (musique) mêlé d'interrogation (textes). Quand il n'est pas gore ("Des singes déboulent de partout et tabassent tout ce qui passe", "Je sais où je vais"), le propos est en effet radical, terroriste même, du genre "tous les disques sont de la merde" ("Demain"), manière sans doute la plus directe d'aborder la relation entre art et industrie.

Mais la mise en scène de ces mots est telle, que même le plus souvent "dits", ils sont partie intégrante de la musique, et à l'instar de ce "qui est le brouillon du jour, qui est le brouillon de la nuit", répété à l'infini en rase-mottes au-dessus de terrifiants violons à la John Cale (période "Black angel's death song"), ils créent à eux seuls le trouble envoûtement du morceau. La musique d'une manière générale impressionne, parfois dense et abyssale ("Demain", "Le jour est le brouillon de la nuit", "Et après?"), parfois dans le style flottant d'un RZA pour "Ghost dog" de Jim Jarmush ("Le meilleur moyen pour y rester"), bien pourvue en samples (dont celui de "Dirt", pierre angulaire de "Fun house" des Stooges), programmations et guitares saturées.

Arnaud Michniak et Damien Betous donnent à leur premier album et ses textes glaciaux une force telle, qu'il revient sans arrêt dans la gueule de l'auditeur, pris pour punching ball. Mais au fait, que peut bien cacher autant d'apocalypse : quête d'idéal, exercice de style ou stade ultime de l'humour ? Voilà en tout cas trente-six minutes de musique, sans concession aucune, dont on sort lessivé mais fasciné.