A mouse and John

Psycho Lemon

par Jérôme Florio le 20/06/2005

Note: 9.0    

L'anglais Rem Austin ne pouvait pas mieux choisir que Toulouse pour jouer sa pop au psychédélisme sage et doux-amer : dégoter un studio d'enregistrement de la ville rose ("pink" en anglais) qui s'appelle "Gates of dawn" (clin d'œil amusant au "Piper at the gates of dawn" de Pink Floyd), c'est un signe qui ne trompe pas !

Psycho Lemon ne connaît que les bons trips : une île déserte sur laquelle Syd Barrett se gaverait de pommes et d'oranges, s'il avait décidé de mener une vie saine de Robinson au grand air. Comme le monde selon Austin est bien fait, il y a un Vendredi, et c'est une fille : elle s'appelle Ann, et son chant est craquant ("The looking glass"), rafraîchissant et un peu acide - comme un citron, pas du LSD. Pour tout bagage, des albums de coloriage plutôt que l'intégrale d'Aldous Huxley ou Alasdair Crowley, et c'est tant mieux : la grisaille est derrière soi, alors pas de mal du pays - ou bien d'un que l'on ne connaît pas ("Subterranean homesick love"). Car on discerne bien de la mélancolie, que l'éclat des sourires parvient à rendre lumineuse : "Everywhere you look" se pose entre "Stephanie says" du Velvet Underground et "Caroline no" des Beach Boys, sur une plage de fin d'été où des enfants jouent ("Silence"). Les références aux sixties sont très apparentes, de Bob Dylan aux Monkees, les comics, et souvent le Floyd : un riff de "On the other side" (of the moon ?) cite "Echoes", sur "Robinson" un tir de barrage de guitares à la Pixies accueille le vaisseau spatial de ''Astronomy domine". L'irrésistible fin en lollipop de "A rocket to the moon" reprend jusqu'au son d'orgue de "Interstellar overdrive". "A mouse and John" est un peu à tout cela ce qu'un château de sable est au Mont Saint-Michel : modeste et éphémère, mais fait avec amour et un vrai sens de l'architecture, légère et élancée.

La bande à Rem Austin ne joue pas bruyamment des coudes pour se ménager une petite place au soleil. Avec une belle patience, il leur suffit de tendre la main pour décrocher la Lune (Rem AusTintin ?) et toute notre sympathie admirative, alors que d'autres construisent des embarcations lourdingues et tape-à-l'œil. Faut-il une grosse dose d'inconscience, feinte ou réelle, pour oser appeler aujourd'hui un titre "Love" ? Non, vraiment, ce disque est totalement charmant.