Aérolithes au CCAM de Vandoeuvre-les-Nancy

Quatuor Aérolithes

par Hugo Catherine le 26/11/2005

Note: 6.0    

Cet album s'offre difficilement au plus grand nombre. Son écoute est très ardue, rude sur l'homme. Il faut bien dire que nous faisons face à une bizarrerie sonore de premier choix. Pendant que les souffleurs, Daunik Lazro et Michel Doneda, s'époumonent et affrontent les cordes, Michael Nick et Laurent Hoevenaers, l'auditeur doit tenir la barre. Et la mer est en rage. Comment s'approprier un album lorsque l'expérimentation prime sur tout ?

Les musiciens jouent principalement sur l'endurance de leurs flots et de leurs pics. Leurs notes stridentes, suraiguës et grinçantes semblent continues, sans fin. Il est bien difficile d'extraire un quelconque thème ou une quelconque mélodie des quatre morceaux proposés. L'ensemble est mué par une logique d'expérimentation extrême, à la limite de l'audible. Pourtant, si cacophonie il y a, elle se joue sur une unité de mesure longue, c'est-à-dire l'album lui-même. De fait, il ne s'agit pas d'enchaînements de bruits violents, de heurts dissociés et instantanés, mais d'une cacophonie rampante, languissante, toute en longueur. Les râles sont plus présents que les cris.

L'intérêt de l'auditeur peut parfois être un peu limité car, pendant que les alouettes gloussent et que les pigeons chuintent, il peine à prendre la pleine mesure de la douloureuse complainte du quatuor Aérolithes. L'énergie de l'album est exigeante. Assistons-nous à la retranscription musicale d'un combat de coqs ou d'autres énergumènes à plumes ? En live, en l'occurrence le 26 octobre 2001, il y avait sûrement de quoi se ravager les écoutilles et écarquiller les yeux jusqu'à rupture des orbites ; chez soi, de quoi s'attraper illico une bonne migraine.

Ainsi cet objet musical bien bizarre nous met au défi de la simple possibilité d'écoute. Seuls quelques sauvages hautement éduqués pourraient passer leur chemin sans hoquet aucun. Les quatre musiciens sont sans répit. Quand leur musique sans compromis devient parasite auditif, nous sommes poussés à questionner leur projet, pourtant si franc, de peur que la monotonie apparente et viscérale de l'album ne génère qu'indifférence et rejet. Dans l'exploration de l'inaudible, il y a beaucoup à entendre, assurément, mais peut-être moins à gagner. Si l'on en croit le 8ème tirage du Petit Larousse, certes édité en 1961, la musique est "l'art de combiner des sons d'une manière agréable à l'oreille". Il faut bien alors se résoudre à qualifier les créations
d'Aérolithes d'a-musique. La définition du dictionnaire est-elle si réactionnaire ? Comment révolutionner la musique lorsqu'il ne s'agit précisément peut-être plus d'en faire ?