The rubber duckie experiment

Qwel

par Alexandre Leroy le 09/06/2003

Note: 8.0    

Les premières notes sont celles d'une guitare soul, bien vite rejointe par des scratchs lancinants. Le combat s'engage, la soul a beau résister, elle ne fait pas le poids et disparaît subitement. La bataille est gagnée pour Qwel qui peut maintenant exposer sa vision musicale sans la moindre concession au show-business et au hip-hop commercial. Il saisit sa chance et propose "The rubber duckie experiment", une virée dans les tréfonds du rap underground, à la frontière de l'abstract hip-hop, une suite digne de ce nom de son premier album "If it ain't been a pawn shop, then it can't play the blues" (2001), considéré comme une pièce maîtresse de l'underground US. Ce deuxième album, au nom toujours aussi bizarre est né du traumatisme causé par les attentats du 11 septembre chez ce jeune Mc de Chicago, mais là ou Qwel se différencie de ses compatriotes, c'est qu'il fut plus choqué par le traitement des évenements que par les actes eux-mêmes. Pourquoi célèbre-t-on l'anniversaire de la tragédie comme un show télévisé ? Pourquoi les gens autour de moi semblent-ils si faux ? Pourquoi y a-t-il plus de canards en caoutchouc (rubber duckies) que de véritables canards ? Afin de refléter cet état d'esprit, Qwel s'est entouré des producteurs du label Galapagos 4 : DJ White Lightnin, Meaty Ogre, Jackson Jones, tout en produisant un titre lui meme ("Ugly window"). Chacun des titres est un excellent support, propice au développement de sa vision cynique de la vie : des beats lents, d'une tristesse infinie, des grésillements, de l'echo, des scratchs criards, rien n'est laissé de côté pour plonger l'auditeur dans un univers glauque. Grand amateur de musiques dépressives, le jeune homme est à l'aise pour poser son flow. Un flow simple, parfois plaintif, mais qu'il compense par une grosse densité d'écriture. Avec des titres comme "Wind instrument" - huit minutes sans refrain - ou "Silence" sur lequel il rappe a capella, on ne peut qu'apprécier le charisme de Qwel au micro. Ne se laissant apprivoiser que difficilement, "The rubber duckie experiment" ravira les amateurs de rap complexe mais pas élitiste.