Lettre à Ramon.
Qu'est-ce que c'est beau un ancien qui
se souvient de ses belles années. Sont-elles d'ailleurs passées ?
Mais non Ramon, tu n'es pas une
anecdote, tu vis et encore très bien ! Permet que l'on te
tutoie car tu es un peu tous les mélomanes de années post-rock de
1968 à nos jours. Tu es nous tous, qui cherchons encore le sens de
la vie, de l'art et surtout de la musique pop. En effet nous nous
demandons tous aujourd'hui où ces auteurs, compositeurs interprètes,
que tu cites à l'envi, on pu disparaître en moins de quinze ans au
profit de la volonté farouche de faire du blé.
Et Dieu que c'est bon de retrouver des
textes sans filtres, venus directement d'une époque où l'on pouvait
encore tout dire sans se prendre une dizaine d'associations
effarouchées sur le râble. L'amitié franco-albanaise va d'ailleurs
en prendre un coup. Nous pourrions égrainer ad libitum les
tirades au second degré de tes chansons, mais il vaut mieux écouter
ton album pour éviter de les sortir du contexte.
Heureusement que des gens comme toi,
nous rappellent que Marcel Gotlieb, Pierre Desproges, Goscinny et Au Bonheur Des Dames sont encore vivants dans un cercle malheureusement
devenu fermé allant de la gauche appelée jadis caviar à la droite
centriste. Tous ces gens modérés nés entre 1960 et 1985 qui
n'avaient aucune haine pour les autres et qui se foutaient plus ou
moins de tout tant qu'on leur fichait la paix. Cette période
révolue ou l'on pouvait voter à droite par héritage culturel et
malgré tout écouter Higelin et adorer Coluche sans être jugé. Une
époque ou la tolérance sans être dictée par les bien-pensants
était finalement assez naturelle.
Ton album est définitivement ce que
l'on appellera un hymne à la nostalgie. Et n'en déplaise à la
caste citée précédemment la nostalgie n'est pas du passéisme. Et
se souvenir des belles années n'est pas de l'anti-progressisme. On
peut objectivement dire que l'on vit une époque de merde et
finalement se réjouir que certains n'aient pas peur de le dire et de le
chanter avec ironie. Ce déferlement de haine sur les réseaux
sociaux que tu dénonces, planqué sous des pseudos, est tout sauf un
progrès. Qu'on se le dise.