Scorch trio

Raoul Björkenheim, Ingebrigt Håker Flaten & Paal Nilssen

par Hugo Catherine le 15/09/2004

Note: 7.0    

"Oikosulku", première piste, première course-poursuite : pas le temps de prendre sa respiration, une séquence basse-batterie prend tout de suite le dessus. Raoul Björkenheim, guitariste finlandais aux pulsations jazz-rock évidentes, ménage son entrée et laisse le soin à la section rythmique norvégienne – Ingebrigt Håker Flaten à la basse et Paal Nilssen-Love à la batterie – de nous couper le souffle, de nous prendre à la gorge sans le moindre échauffement. Le swing multi-toms de la batterie est grassement accompagné par la basse ; L'usage intempestif de la cymbale crash et le jeu très enlevé du batteur produisent une forme de jazz à la limite du déséquilibre, de la rupture ; la basse finit par se fixer sur un riff et la guitare, très incisive, s'insère avec un son à la Larry Coryell. Suivront multiples effets de saturations et de wah-wah, divers rythmes et frottages.

Björkenheim, Håker Flaten et Nilssen-Love condensent en quelque sorte l'esprit jazz-rock de formations quantitativement plus pourvues en musiciens, comme le Mahavishnu Orchestra, en un format réduit – le trio. Leur force est indubitablement de parvenir à dégager une énergie jazz-rock revitalisée au travers de ce groupe minimal. Le trio apparaît bien souvent en jazz comme une forme canonique et privilégiée de l'improvisation, de la créativité des dialogues entre musiciens, d'une certaine intimité énergisante : Scorch Trio en tire le meilleur dans un style qui, à l'accoutumé, ne se laisse pas si facilement dompter.

"Oikosulku" enchante vraiment d'entrée et la force de persuasion du trio paraît immédiate. Pourtant, l'album réveille parfois un sentiment d'inachevé et les pistes ne sont pas toutes aussi abouties. Par exemple, si "Salaa" crée une ambiance entêtante souvent due à un équilibre bancal et délicieux de la batterie dont la basse plus posée s'accommode à merveille, le son plus expérimental de "Säde" paraît moins heureux malgré les éboulis de cymbales et les grincements électriques. Alors que "Taajus" sautille telle une comptine électrisée dont Daniel Humair, Marc Ducret et Jean-François Jenny-Clark pourraient tirer les ficelles, nous tendons à moins accrocher au contact du flot tribal déjanté de "XXX". L'ennui pointerait-il lorsque l'assombrissement de "Vittula" laisse place au dernier morceau de l'album, "Paahtaa" ?

Une même idée musicale semble s'appliquer tout au long de l'enchaînement des pistes. Ceci n'est évidemment pas sans produire un effet d'unité certain qui sert un son jazz-rock plus que pertinent, mais la recette semble s'étouffer. Ceci est sans doute naturellement dû au mode de conception même de l'album qui a vu le jour en quelques prises étalées sur quelques heures. Il n'en reste pas moins que les mises en péril rythmiques et mélodiques improvisées de Scorch Trio, déjà clairement virtuoses, ne sont pas encore pleinement fructueuses.