Onirica

René Urtreger

par Sophie Chambon le 11/12/2001

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
La Fornarina


A l'écoute de ce nouvel album de piano solo pour le label Sketch, on ne saurait assez louer le bon goût du producteur Philippe Ghielmetti, à l'origine de cette initiative. On finirait même par ne plus trouver aussi indispensable la triangulaire classique piano-batterie-basse. Et pourtant René Urtreger, découvert tout jeune, avec l'immortelle BO du film de Louis Malle "Ascenseur pour l'échafaud" (chef d'oeuvre de Miles Davis), rejoue tous les vingt ans à 'HUM', avec ses fidèles compères, Daniel Humair et Pierre Michelot. Mais dans "Onirica", il nous présente un rêve éveillé, recueil de petites pièces, purs joyaux d'émotion, de légèreté, de swing (osons le mot). Mélodique et alerte, Urtreger suit le fil de ses pensées avec ces 'chimeric' qui reviennent cinq fois sous la forme de variations, presqu'immatérielles, souvenirs mélancoliques de musique française. Musicien au phrasé délicat, il s'inscrit dans la lignée d'une certaine tradition de pianistes bop, et exprime avec tendresse son goût pour cette musique, qu'il appelle jazz. A une époque où l'on ne sait plus trop justement définir ce qu'est le jazz, écouter René Urtreger est une des meilleures résolutions. En solo il dévoile le thème avec finesse et invention, se laissant aller parfois au jeu des citations, des associations libres qui lui permettent de démarrer une piste : Bud Powell, John Lewis revivent ainsi sous ses doigts avec des citations pertinentes qui restent en mémoire. D'où une étrange familiarité que l'on ressent dès la première écoute de cet album. Certains titres s'impriment instantanément, comme "La Fornarina", qui pourrait bien devenir un tube, "Valsajane" ou "Gracias Paloma". Comme des rappels d'un autre temps, réminiscences d'une histoire aimée, celle du jazz. Avec cet album on se plaît soudain à s'installer de façon durable dans un rêve de vie. Et c'est très bien ainsi.