The voice of the eagle

Robbie Basho

par Francois Branchon le 23/03/2001

Note: 9.0     
Morceaux qui Tuent
Roses and gold
Joseph
Wounded knee soliloquy
Moving up a ways


A la vue de la pochette, on craint le pire. Un aigle lumineux qui enserre une montagne sur fond de halo mystique suggère les pires déviances new-age, celles qui se régalent à faire prendre aux gogos de jolies vessies pour de belles lanternes. Mais le nom du label, Vanguard, interdit toute crainte de ce genre. Panthéon de la musique folk américaine, chez qui tous sont passés ou presque, de Joan Baez à Country Joe, de John Fahey (qui vient de disparaître : R.I.P.) à John Hammond, Vanguard ne saurait se déshonorer. Et ce disque rend soudain curieux. On apprend qu'il y est question d'une rencontre entre Indiens (d'Amérique) et Indiens (d'Inde) et que Robbie Basho ne tombe pas de la dernière pluie. Il est indien Hopi, et l'aigle chez les Hopi, est un oiseau solaire, messager des Dieux, présent dans tous leurs cérémoniaux. Un rien mystique tout de même... Son premier album date de 1967 ("The falconers" - Takoma) et il enregistre jusqu'en 1980. Depuis sa mort en 1986, Robbie Basho est célébré comme un des plus grands innovateurs de la guitare folk américaine avec John Fahey et Leo Kottke. Mais quand Fahey et Kottke restent dans le cadre du country-blues, Basho crée un style à part entière, basé sur des modèles asiatiques. Il accorde ses guitares (6 et 12 cordes) à la manière des sitars indiens ou des kotos japonais et ses pièces instrumentales doivent autant aux structures symphoniques occidentales qu'aux ragas orientaux.

Cet album "The voice of the eagle", réédité par les Italiens de Comet (qui ont acquis en licence une partie du fond de catalogue Vanguard), date de 1972. Il est extrêmement dense, partagé entre de longs moments instrumentaux, les plus fortement orientaux ("Blue corn serenade"), deux chants directement incantatoires ("Voice of the eagle", "Omaha tribal prayer"), et des chansons au format et à la tonalité plus folk américains, petites pièces où la voix occupe magistralement l'espace. Adossée aux ragas de guitares, elle offre un vibrato de graves impressionnant, et en fin de phrases, s'élève en flèche, pour aller cotoyer la transe. Certains pourront en être gênés, tenus d'accepter ce chant comme expression d'une mission spirituelle, une des motivations principales de Basho le Hopi. Mais ces quatre morceaux aux mélodies magnifiques (tous des MT) provoquent la même émotion que le premier disque de Terry Callier ("The new folk" de 1964), par leur subtil mélange des genres. Quand Callier allie la nouvelle tradition folk américaine des 60's à sa voix noire, Robbie Basho pose un chant véritablement "chantant" de bonheur sur une douze cordes folk, jouant telle un sitar, un picking répétitif solitaire hypnotique.

On conçoit aisément que cette musique soit sur le fil d'un rasoir, aisément récupérable par les marchands de muzak new-age. Mais grâce à une voix qui est tout sauf "jolie", mais spirituelle et authentique, elle est toujours du bon côté de la lame.