The end of an ear

Robert Wyatt

par Frédéric Joussemet le 01/04/1999

Note: 7.0    

The end of an ear fait partie de ces albums qui n'auraient jamais vu le jour sans un quiproquo. En 1970, Soft Machine est en pleine gloire et CBS pense réaliser un coup de maître en sortant l'album solo d'un de ses membres. C'était mal connaître Robert Wyatt qui, toujours poursuivi par la pataphysique, en profite pour délivrer un disque décalé et quasi expérimental. Musicalement, le croisement entre jazz et rock est toujours sa quête, mais l'approche est beaucoup plus libre qu'avec Soft Machine. Des accompagnements fluides et presque hypnotiques ainsi que de jolies mélodies sont préférés aux thèmes alambiqués, et Wyatt explore de nouvelles sonorités. Il pousse ici l'utilisation de la voix-instrument à son paroxysme, comme aux temps où il reprenait note après note les soli de Charlie Parker ! Simplement, le "recopiage" a fait place à l'improvisation vocale, et Wyatt pose ici une voix brumeuse et cristalline, sans aucun mot. De même, l'utilisation de boucles, initiée par la bande son du spectacle "Spaced" (édité en Cd par Cuneiform Records en 1996) est très présente. Robert Wyatt officie évidemment à la batterie et pour la deuxième fois aux claviers (la première étant "Moon in june" dans "Third") et est accompagné d'amis connus (Elton Dean et Mark Charig de Soft Machine, Dave Sinclair de Caravan) mais aussi de l'illustre inconnu contrebassiste Neville Whitehead qui enlumine magistralement l'album. Les soli pleuvent dans des ambiances tendues, sans que le groupe ne semble se soucier des contraintes de temps ou d'espace. Le génie de Wyatt est d'avoir su regrouper tous ces éléments disparates pour en faire jaillir une musique enivrante et belle. Non pas jolie, car "The end of an ear" reste un album demandant un effort d'écoute et une certaine ouverture, mais tout simplement belle.