Welche - On n'est pas indiens c'est dommage

Rodolphe Burger & Olivier Cadiot

par Nicolas Wienders le 01/04/2001

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
On est pas indiens c'est dommage


Zo love. Prenez la route des crêtes, qui longe la ligne bleue des Vosges, en direction du nord. Tournez à un moment sur la droite en direction de Sainte Marie aux Mines. Vous y êtes. C'est ici que se trouve la ferme studio des strasbourgeois de Kat Onoma. Mais la vallée de la petite Lièpvre est aussi une enclave d'irréductibles qui continuent de parler un dialecte roman sur un territoire où les consonances sont plutôt germaniques. Dans quelques années, le 'welche' aura sans doute disparu, il n'y a plus guère qu'un petit millier de personnes qui le parle. Ce petit disque de cinq titres restitue l'intégralité d'un concert de Rodolphe Burger et Olivier Cadiot en juillet 1999 au festival Babel de Strasbourg. Conséquence d'une expédition sonore en territoire welche, le concert (et donc le disque) se voulait le vagabondage d'une libre inspiration, et pas forcément un manifeste en faveur du patrimoine local. Zo love. Le résultat est vraiment touchant. On se prend très vite d'affection pour Monsieur Humbert, Monsieur Baradel, Mesdames Rosa et Bauman, dont les voix, l'accent, la chaleur prennent aux trippes. Zo love. Ces cinq titres mêlent des chants et litanies welches originaux, voire des interviews (Mr Baradel), des chansons du répertoire de Burger, des mixages et des samples surhaussés de guitares, de basse et la voix caressante du père Rodolphe. Les textes sont parfois des traductions de folk songs américaines ("C'est dans la vallée" - déjà sur l'album "Meteor show" de Burger - d'après "Moonshiner", traditionnel Us repris en son temps par Dylan), des traductions en welche de poèmes d'Olivier Cadiot ("Zo love"), ou bien des extraits d'une séance de traduction de textes navajos avec les habitants de la vallée !! Zo love. On pourra penser que "Try to understand", le quatrième titre et reprise de Kat Onoma avec des samples de Jack Spicer lisant "Billy the kid" n'apporte pas grand chose à l'ensemble, sinon une respiration. C'est pourtant une bien belle manière de sortir la culture welche de son anonymat, en l'unissant ainsi à d'autres cultures, en l'associant à l'histoire. Zo love. Autant vous prévenir quand même, aux premières écoutes l'ensemble est très répétitif, comme des refrains que l'on voudrait nous imposer... Mais ça marche! Il se dégage une certaine magie, grâce peut-être au bruit omniprésent de la rivière, et ce disque devient très rapidement beau, évident, indispensable, dégagé même de tout le contexte qui a procédé à sa création. Et on peut alors se regarder les pistes Cdrom, avec les enregistrements bruts des habitants, Rosa Lopez chantant "Tante Elisabeth" a capella dans sa cuisine et Monsieur Baradel près de sa vieille 2Cv rouge. Zo love. "On est pas indiens c'est dommage". La vallée de la petite Lièpvre mérite pourtant bien d'être réserve culturelle.