1999 - 2004

Royal City

par Jérôme Florio le 21/06/2009

Note: 8.5    
Morceaux qui Tuent
A belly was made for wine
Postcards
Bad luck


On parle d'un groupe qui n'existe plus. Aujourd'hui absorbé par ses études de théologie, Aaron Riches était à la fin des années 90 un membre actif de la scène punk hardcore de la ville de Guelph, au Canada. En remontant à la source de ses influences - Woody Guthrie, Bob Dylan -, il est passé du boucan électrique politisé à une acoustique pop-folk tournée vers l'intime. Riches, avec Jim Guthrie (maintenant membre de Human Highway), Lonnie James et Simon Osborne, a formé Royal City en 1999 et sorti trois disques, dont "Alone at the microphone" (2001) qui jouit d'une réputation de petit classique.

Quel est l'intérêt de faire paraître en 2009 une compilation de raretés et clore ainsi à retardement l'existence du groupe, séparé en 2004 ? On comprend vite : "Royal City" propose un itinéraire bis dans une discographie que l'on se repent d'avoir ignoré sur la carte. Devant une écriture si mûre, qui respire naturellement l'americana, on se dit que les tentatives d'ici ou d'ailleurs que le continent américain ne peuvent sonner que "à la manière de"... "Here comes success" (reprise de Iggy Pop) et "In the autumn" (l'hymne du groupe, qui épelle en choeur C-i-t-y) sont deux moments qui enserrent le disque dans une humeur enjouée ; mais "Here comes success", qui termine dans une désorganisation ironique, indique que la suite sera moins insouciante. Si l'on excepte l'énergie très Violent Femmes de "Bad luck", Aaron Riches chante en mid-tempo des histoires de coeurs serrés, brisés, d'une voix craquelée mais chaude. Le picking et la pedal-steel de "Can't you hear me calling" sentent la cendre froide et les soirs de solitude, avec un chien pour seul compagnon ("Dog song"). Royal City sait doser ses effets : la guitare électrique se présente toute seule une bonne minute sur "Postcards", avant d'être entourée par le groupe et un orgue discret ; la pop-folk "A belly was made for wine" accroche avec ce passage tout simple du majeur au mineur pour le refrain, pile au bon endroit. Royal City a aussi un côté plus fantaisiste : outre la reprise du Pop, il y a aussi une relecture profil bas et chaleureuse de "Is this it ?" des Strokes, en compagnie de Edwyn Collins. Sur le modèle de leurs compatriotes Broken Social Scene, Royal City a adopté un fonctionnement ouvert avec des collaborateurs occasionnels, comme Feist, Owen Pallett (Arcade Fire) ou même nos Herman Düne avec lesquel ils ont partagé leur dernière tournée. Les Weakerthans (de Winnipeg, dernier disque en date "Reunion tour" en 2008) pourraient être de bons continuateurs de cette écriture folk-rock à la tenue irréprochable qui ne cède en rien à la facilité et aux gimmicks du jour.

Collection de raretés d'une qualité et d'une cohérence à faire pâlir la majorité des productions actuelles, "Royal City" donne envie d'écouter les trois disques sortis par le groupe : c'est le signe d'une belle redécouverte.