Never mind the bollocks, here's the Sex Pistols

Sex Pistols

par Chtif le 22/09/2004

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Anarchy in the UK
God save the Queen
Holidays in the sun
Sub-mission


Les Sex Pistols furent un court circuit dans le système, un avatar engendré en Angleterre par des années de manipulation hypocrite et moralisatrice. Difficile de trouver un équivalent à la déflagration punk qu'ils provoquèrent en 1976. Une version sonore du "Salo ou les 120 journées de Sodome" de Pasolini, peut-être, ou comment cracher à la face du monde la pourriture et la merde ambiante afin de mieux la dénoncer.

C'est dans le magasin "Let it rock" aussi appelé "Sex" de Londres que fut conçue la bête : quand il ne vend pas des fringues pornos et des godes, le propriétaire des lieux Malcom MacLaren s'occupe de The Strand, petit groupe de lycée dans lequel jouent le guitariste Steve Jones et le batteur Paul Cook. MacLaren leur dégote des tenues adéquates, un nouveau bassiste, Glen Matlock, et le nom tape-à-l'œil "Sex Pistols". Ne reste plus qu'à trouver un chanteur : le rock-critic Nick Kent est auditionné, mais c'est finalement un habitué du magasin qui est retenu, Johnny Lydon, repéré pour son tee-shirt "I hate Pink Floyd".

Les premières performances en 1975 seront aussi pourries que les dents de Johnny (particularité à l'origine du doux surnom Johnny Rotten), mais réuniront un noyau de fans qui ne cessera de grandir, attirés par les manifestations de violence et de provocation dont sont capables les lascars. Crachats sur le public, appels à l'émeute et défonce générale sont encouragés par le bienveillant MacLaren, qui ne recule devant rien pour attirer l'attention des médias.

Et ça marche, très vite. Le groupe est remarqué et entame une tournée de labels comme on se lance dans une tournée de bars. EMI les signe en premier, mais les remercie après un premier single fondateur, "Anarchy in the UK", et une apparition ponctuée de bons mots et autres calembours punks dans l'émission télévisée de Bill Grundy, le Michel Drucker anglais. La compagnie A&M prend la relève : le contrat est signé devant Buckingham Palace et tiendra... une semaine. Le temps pour Sid Vicious, le nouveau bassiste (Glen Matlock ayant été éjecté pour avoir avoué son admiration pour les Beatles... on n'est pas punk à moitié chez les Sex Pistols...), de découvrir et étrenner joyeusement les locaux de son nouvel employeur. C'est enfin chez Virgin que le groupe sort son deuxième single "God save the Queen" au beau milieu des festivités pour le Jubilé de la Reine, suivi de l'album "Never mind the bollocks, here's the Sex Pistols" (en clair, "tant pis pour les couilles, place aux Sex Pistols !") en octobre 1977.

Toute une affaire que ce "Never mind...", une nouvelle définition du rock à une époque où celui-ci commençait à s'enliser dans de stériles démonstrations progressives. Les Sex Pistols redonnent la parole au peuple: la base du rock est le trois accords ? Ils se contenteront de deux. Exit les digressions de Pink Floyd, Genesis ou autre Yes, retour aux singles de 3 minutes sans concession. D'abord il y a le son, terrifiant, hérité des Stooges, une ivresse bestiale de larsens, de batterie épileptique, de colère viscérale jusqu'à l'étouffement, un mur de riffs barbelés sur lequel vient s'écorcher la voix de Lydon. Celui-ci grogne, éructe, rote, vomit sa rage crétine, "Fuck this and fuck that and fuck it all and fuck the fucking brat !" (Bodies"), mais n'oublie pas d'inscrire certaines des paroles les plus définitives de l'histoire du rock.

Pamphlet nihiliste, "I am an antechrist, i am an anarchist, don't know what I want but I know how to get it" ("Anarchy in the UK"), litanies décérébrées, "Problem" asséné en boucle par un gamin quasi autiste, cris de bêtes en rut ("Sub-mission"), assauts virulents et vicieux à coups d'épingles à nourrice contre la couronne "fasciste", overdose de slogans ultra efficaces pour galvaniser les troupes, "Don't be told what you want, don't be told what you need, there's no future, no future for you !" ("God save the Queen"), repris en choeur par des hordes de hooligans alcoolisés... le chaos total. Tout est là : sexe, drogue, violence, jeunesse, anarchie... Une version au négatif du Flower Power, une volonté désespérée de changer le monde, mais par la manière forte cette fois.

Alors bien sûr, on sait maintenant que MacLaren orchestrait savamment les agissements de ses protégés, que tout cela n'était qu'un immense coup monté, mais les jeunes punks, eux, ne faisaient pas semblant. Sid y laissera sa peau, à 21 ans à peine, soupçonné d'avoir poignardé sa groupie-compagne de déchéance Nancy Spungen. De quoi nourrir les fantasmes adolescents pendant des décennies...

Comme chaque révolution, celle-ci fit bien des émules, ceux qui perçurent à travers l'absence de complexe des quatre Londoniens tout le sel et l'excitation du "do it yourself". Malheureusement, les vautours du show-business apprirent beaucoup des méthodes de MacLaren, et appliquèrent marketing sauvage, provoc facile et production musicale version digest (vite consommée, vite régurgitée).
On a espéré voir quelque rejeton des Sex Pistols reprendre le flambeau : Nirvana, responsable d'un autre "Nevermind"..., Rage Against the Machine... mais la nouvelle révolution se fait attendre. Alors il est bon de se replonger dans ces 12 pépites punks absolues, histoire de se remémorer le plus beau bordel jamais mis chez les bien pensants. Attention tout de même : pensez aujourd'hui encore à ranger vos couilles en lieu sûr, ça fait toujours mal.

ndlr : "l'interview" des Sex Pistols par Bill Grundy est disponible sur le lien "+ d'infos" ci-contre...