I learned the hard way

Sharon Jones & the Dap-Kings

par Francois Branchon le 02/05/2010

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
I learned the hard way
Mama don't like my man
Give it back
She ain't a child no more


"I learned the hard way" (j'en ai chié pour apprendre) est le quatrième album de Sharon Jones, et on jurerait d'entendre une production de 1967. Alors, anachronique Sharon Jones ? Certes pas, mais la carrière est atypique. Née en 1957 à Augusta en Georgie (la ville de James Brown s'il vous plait) et nourrie au gospel des églises locales, Sharon a 20 ans quand elle débarque dans un New York noyé sous la disco et qui n'a rien à cirer de la pure soul qu'elle propose. Impasse. Le chemin sera obscur, et souvent rude, Sharon sera camionneur convoyeuse de fonds, gardienne de prison...


Mais voici les années 2000 et le revival du pur rhythm & blues "à l'ancienne" (et en parallèle marchand le dévoyé r'n'b), chaque grosse boite lance "sa" chanteuse, souvent très jeune, souvent anglaise (Joss Stone, Amy Winehouse, Duffy) ou redécouvre une prodige oubliée (Candi Staton, Bettye Swann). Le petit label indépendant de Brooklyn Daptone joue la carte totalement vintage, construit son studio et le baptise House of Soul, y colle des amplis à lampes, une console analogique (un bon vieil Ampex 8 pistes) et de vrais instruments. Il signe Sharon et la fait accompagner par les Dap-Kings.

Lorsque sort en 2004 son premier album, "Dap dippin' with Sharon Jones and the Dap-Kings", elle a 51 ans. Mais tout ce temps passé à ramer devient son atout. Il lui garantit, allié à sa carte de visite géorgienne, une authenticité que ne peuvent revendiquer les jeunes pousses anglaises. Sharon Jones devient une référence, et pour les Anglais, pas rancuniers, elle devient "the queen of funk" (et les Dap-Kings iront faire les chœurs derrière... Amy Winehouse, pour son album "Back to black").

"I learned the hard way" est donc gavé de ce son qu'on aime, celui des albums Stax d'antan, des studios Muscle Shoals... Sharon est juste parfaite, elle joue sur tous les registres du rhythm & blues : la puissance brute - "raw power" - d'une Tina Turner ("Without a heart"), la sensualité d'une Mavis Staples ("Give it back", "I'll still be true"), le sens mélodique d'une Aretha Franklin ("I learned the hard way", "Better things"), la soul satinée de Philadelphie ("The game gets old", "If you call"), la rythmique hypnotique d'un Booker T. ("She ain't a child no more"), le charme suave d'un Sam Cooke ("Mama don't like my man")... Quant aux huit musiciens (paradoxalement en majorité blancs) ils assurent finement, que les arrangements soient puissants ou subtils.

Sharon Jones et ses Dap-Kings sonnent follement classiques mais pas juste "old school", ils sont bien là, présents, vivants, et les premiers à jouir de leur musique. Hautement contagieux.





SHARON JONES & The DAP-KINGS "I learned the hard way" (Clip 2010) © Daptone Records




SHARON JONES & The DAP-KINGS Give it back (Live 2009)