Morceaux qui Tuent I learned the hard way Mama don't like my man Give it back She ain't a child no more
"I
learned the hard way" (j'en ai chié pour apprendre) est le
quatrième album de Sharon Jones, et on jurerait d'entendre une
production de 1967. Alors, anachronique Sharon Jones ? Certes pas,
mais la carrière est atypique. Née en 1957 à Augusta en Georgie
(la ville de James Brown s'il vous plait) et nourrie au gospel des
églises locales, Sharon a 20 ans quand elle débarque dans un New
York noyé sous la disco et qui n'a rien à cirer de la pure soul
qu'elle propose. Impasse. Le chemin sera obscur, et souvent rude,
Sharon sera camionneur convoyeuse de fonds, gardienne de
prison...
Mais voici les années 2000 et le revival du pur
rhythm & blues "à l'ancienne" (et en parallèle
marchand le dévoyé r'n'b), chaque grosse boite lance "sa"
chanteuse, souvent très jeune, souvent anglaise (Joss Stone, Amy
Winehouse, Duffy) ou redécouvre une prodige oubliée (Candi Staton,
Bettye Swann). Le petit label indépendant de Brooklyn Daptone joue
la carte totalement vintage, construit son studio et le baptise House of
Soul, y colle des amplis à lampes, une console analogique (un bon
vieil Ampex 8 pistes) et de vrais instruments. Il signe Sharon et la
fait accompagner par les Dap-Kings.
Lorsque sort en 2004 son premier album, "Dap
dippin' with Sharon Jones and the Dap-Kings", elle
a 51 ans. Mais tout ce temps passé à ramer devient
son atout. Il lui garantit, allié à sa carte de visite géorgienne,
une authenticité que ne peuvent revendiquer les jeunes pousses
anglaises. Sharon Jones devient une référence, et pour les Anglais,
pas rancuniers, elle devient "the queen of funk" (et les
Dap-Kings iront faire les chœurs derrière... Amy Winehouse, pour
son album "Back to black").
"I learned the hard
way" est donc gavé de ce son qu'on aime, celui des albums Stax
d'antan, des studios Muscle Shoals... Sharon est juste parfaite, elle
joue sur tous les registres du rhythm & blues : la puissance
brute - "raw power" - d'une Tina Turner ("Without a
heart"), la sensualité d'une Mavis Staples ("Give it
back", "I'll still be true"),
le sens mélodique d'une Aretha Franklin ("I learned the hard
way", "Better things"), la soul satinée de
Philadelphie ("The game gets old", "If you call"),
la rythmique hypnotique d'un Booker T. ("She ain't a child no
more"), le charme suave d'un Sam Cooke ("Mama don't like my
man")... Quant aux huit musiciens (paradoxalement en majorité blancs) ils
assurent finement, que les arrangements soient puissants ou subtils.
Sharon Jones et ses Dap-Kings sonnent follement classiques
mais pas juste "old school", ils sont bien là, présents,
vivants, et les premiers à jouir de leur musique. Hautement
contagieux.