Monkey boy

Shawn Lee

par Christian Tranchier le 19/11/2000

Note: 7.0    

De mère moitié libanaise moitié amérindienne et de père irlando-américain, Shawn Lee, à l'instar de ses origines, mélange et brouille brillamment les pistes. Impossible de le cataloguer ! Cet album, première signature sur "We Love You"(sous-label de "Wall of Sound" de Mark Jones), regorge de références pop, rock, funk, folk, soul, gospel et bossa-nova. Quelle diversité ! Eclectique et d'une étonnante maîtrise. Ici, il n'est pas uniquement question de l'étendue d'un talent (l'homme est multi-instrumentiste), ni d'un plagiat sans originalité des styles sus-cités. Au contraire, si Shawn Lee s'en empare, c'est pour mieux les distordre, les déformer, les détourner de leur "mainstream" habituel. Patte personnelle, forcément différente, loin des imitateurs sans âme et sans brio. Exemple ? "Harmony in falsetto", qui débute country-folk et embarque en cours de route des voix gospels a capella (petit, il chantait à l'église baptiste de son village !). Habile collage ! Et s'il sait manifestement se servir d'une basse, d'une batterie et d'une guitare, il enrobe discrètement la plupart de ses morceaux de touches électroniques, bienvenues. Shawn Lee les dose avec à propos, les ajoute naturellement au paysage des "vrais" instruments. Re-exemples ? "Happiness", improbable bossa-nova scratchée, ensoleillée et si entraînante, le synthétique-ludique "Man of love" (inspiré de "Buffalo 66", le film de Vincent Gallo), l'électro valse musette "8 million ways to die"... L'alliance modernité/tradition via un joyeux copier-coller peut rappeler un certain Beck. Mais pas sur la voix. Shawn Lee surprend par son timbre et sa facilité à le moduler, fluctuant de Lenny Kravitz à Aaron Neville (le plein de soul et à pleurer "How strong is your love"), du taquin au crooner sérieux pour coeurs d'artichaut. Impressionnant, saisissant et séduisant. Devant tant de qualités, on ferme les yeux sur les faiblards "Kill somebody" et "Hangin' by a thread" (limite rhythm&blues mièvre façon R. Kelly). Shawn Lee, magnifique imposteur, subtil caméléon ! On n'apprend pas à un jeune singe à faire des grimaces.