Pop & rock & colegram

Solé, Dister, Gotlib

par Chtif le 13/07/2006

Note: 9.0     

Il y a des petits moments comme ça, dans une vie de fan rock de base, qui font monter la sève direct, qui nous laissent tremblant de joie, l'objet déjà humide entre nos mains. Dénicher la bd "Pop & rock & colégram" au fond d'un vieux bac à occases en est un.

Cette bande dessinée, certes un peu oubliée aujourd'hui, est une ode décadente entièrement dédiée à la gloire et la grandiloquence du binaire. Un trio magique a accouché de ce monument : Jean Solé, Alain Dister, et le merveilleux Gotlib - soit la conjonction des indémodables "Rubriques à brac", du Rock&Folk passionné de la bonne époque, et des glacialeries de Fluide. Le principe est simple. Dister "rigoladapte" des chansons, Solé traduit ça en un fouillis inextricable de dessins, et Gotlib se charge de remplir de clins d'œil le moindre millimètre carré laissé vierge par son compère. Après ça, plus de limites, les auteurs passent à la moulinette déconnante la plupart de leurs groupes chéris, vénérés, écoutés jusqu'à la lie.

Zappa expose des pieds vérolés, nauséabonds à l'extrême ("Stink foot"), "Lovely Rita" des Beatles (sur "Sergent Pepper...") devient une contractuelle empalée sur son parcmètre, Brian Ferry de Roxy Music essaie de se palucher sur des poupées gonflables récalcitrantes, Patti Smith se réincarne en Sheila, et Christian Vander de Magma terrasse "Züpêr Shöbîzh" à coup d'incantations kobaïennes...

Et ça ne suffit pas, le trio fustige sans distinction les hippies, les celtiques, les Who, Genesis, les punks (on est en 1978), le disco, les requins du showbiz, ou encore Punk Fluide ("heu...non... Pink Floyd")... Graphiquement, c'est la claque, une véritable agression visuelle. Ça déborde de partout, ça grouille de détails aussi marrants que savoureux pour tout amateur de rock qui s'amusera à reconnaître les références dégluties dans le moindre recoin de chaque case. C'est irrévérencieux, crasseux, et souvent vachard, mais comme le rappelle l'édito : "on adore déconner avec les choses qu'on aime".

L'album est resté sans suite, et c'est bien dommage, car ces fous furieux de la plume auraient dû faire subir le même traitement aux "Stones, Dylan, Bowie, Elvis, Led Zeppelin, Hendrix, Doors et les autres". Il faudra se contenter de ces quelques pages, et se délecter à loisir de ces bandes visuelles idéales à caler sur les chansons appropriées.