This is what i do

Sonny Rollins

par Sophie Chambon le 29/12/2000

Note: 8.0    

21ème album pour entrer dans le 21ème siècle, soixante-dixième anniversaire (il est né le 7 septembre 1930), Rollins continue, avec un "This is what i do" bien nommé, à jouer quoiqu'on pense et... il fait bien ! Sur le colosse, le temps et les modes n'ont plus de prise. Six titres au total (trois originaux et trois reprises) avec une formation fidèle. Un chant de liberté, joyeux, foisonnant d'influences, entre musique des caraïbes, soul, gospel, funk et blues, sans oublier le jazz. Une musique rafraîchissante, sans nostalgie et qui pourtant évoque les premières amours, déjà anciennes. Rollins nous fait entrer dans la danse dès sa première composition, un calypso entraînant dont il a le secret, le secret de ses racines : sur les premiers accords qui seront enchaînés inexorablement, il installe le climat du disque : une rêverie tonique et un retour sur les belles figures du jazz. "Go west young man"! Un voyage dans les îles, du jazz et de Hollywood, un ailleurs plutôt imaginaire, transformé par la magie du scope. C'est "Sweet Leilani", une chanson de 1937 de Bing Crosby dans le film "Wedding at Waikiki" : l'exotisme d'Hawaï avec un blues légèrement désabusé qui laisse un long solo au pianiste Stephen Scott. Ou encore le désuet "The moon of Manakoora" à la fin du disque. Embarquement assuré pour une aventure dans les îles avec le capitaine Troy ! Rollins est toujours à l'aise dans les ballades, dans la reprise en finesse de "A nightingale sang in Berkeley Square", ou dans sa propre composition, dédiée au mystérieux Charlie M (!), qui donne au tromboniste Clifton Anderson la possibilité de vocaliser malicieusement avec sourdine. Dans "Did you see Harold Vick?", le dialogue s'engage d'abord entre sax et trombone, sur un rythme saccadé, que la basse appuie avec une ligne funk, alors que déjà, Rollins cite parallèlement au pied levé "There never'll be another you" (hommage au ténor et flûtiste le plus classique des saxophonistes modernes ?). Si l'on a vécu une certaine traversée du jazz, comment ne pas être sensible à ce disque oecuménique ? Et ressentir émotion, respect pour celui qui, dans le Cd de jazz sans doute le plus "classique" de l'année 2000, donne une initiation. Une leçon à ceux qui veulent comprendre ce qu'était aussi le jazz.