Twofold head

Sophia Domancich & Simon Goubert

par Francois Branchon le 15/02/2022

Note: 6.0    

Et si on prenait les choses à l'envers ? S'il s'agissait à l'écoute de cet impeccable duo Domancich-Goubert de deviner à quelle oeuvre cinématographique il rend hommage ? Qui pourrait bien deviner David Lynch... Et peut-être même n'importe qui d'autre, tant la musique proposée n'a rien de "visuelle".

Le cinéma de David Lynch est clivant - on en est dingue ou on le déteste - mais qu'il soit post-industriel ("Eraserhead" début 80's), comique ultra-décalé ("On the air"), polar addictif ("Twin peaks") ou objet labyrinthique ("Mulholland Drive", "Lost highway", etc...), il est indissociable de son jumeau musicien Angelo Badalamenti, son égal compositeur à la douceur inquiétante et aux dérapages inattendus, maniganceur d'atmosphères à l'apparence normale mais où imperceptiblement quelque chose ne tourne pas rond, à l'exemple exemplaire des quelques notes dissonantes de saxophone en plein milieu de "Rockin' back inside my heart" (album "Falling" de Julee Cruise 1990 - paroles Lynch, musique Badalamenti).

Sophia Domancich et Simon Goubert étaient fascinés depuis longtemps par l'univers dérangeant de Lynch, et quand le cinéma Le Méliès de Montreuil leur propose une expérience de ciné-concert en 2016, la pianiste et son batteur attitré n'hésitent pas. Le label Pee Wee a eu la bonne idée de reprendre le concept et de le transcrire en disque.
Qu'on comprenne bien : leur talent et leur savoir-faire n'est pas en cause, il y a ici des dialogues complexes et techniques ("Stairs") qui plairont aux puristes, mais on est aux antipodes du rêve. On pense le frôler parfois, comme quand démarre "Organum V", avec son atmosphère répétitive prometteuse d'une plongée hypnotique, mais hélas rattrapée par le désir (le besoin ?) de devenir cérébral et technique.