Welcome convalescence

South San Gabriel

par Jérôme Florio le 30/11/2003

Note: 8.0    

"Welcome, convalescence", le titre du premier disque de South San Gabriel, nous renseigne déjà de manière presque trop évidente sur son contenu : on s'attend, à tort, à un pénible chemin de croix.

Pas question d'électrochocs brutaux , le groupe texan prend le temps d'installer des ambiances : mais la douleur, toujours tapie dans les parages, sait attendre que la morphine ait cessé de faire effet pour attraper le songwriter Will Johnson au tournant.
Rien ici ne sent l'hôpital : en léger état d'hypnose, Johnson soigne son mystérieux mal au milieu de "soundscapes" qui donnent de la profondeur de champ - discrets beats électroniques, chaudes sonorités d'orgues Hammond et pedal-steel spectrales, font mesurer l'influence croissante de Lambchop sur tout un pan de la musique américaine.
Ces paysages sonores sont des pelures d'oignon que Johnson enlève une à une, pour arriver à un dénuement presque total sur "Ariza/ 284", inquiétante dérive lo-fi - comme si l'ours de la pochette, perdu sous le soleil de plomb de Denton, Texas, se débarrassait de sa fourrure pour se retrouver à poil, vulnérable. Dans le miroir, Johnson ressemble alors à des Baptist Generals qui se seraient rasés... Ainsi acculé au pied du mur, le loup sort enfin de sa tanière sur la très belle "The splinter angelic", avec son violon saturé qui évoque un autre ange, noir celui-là, d'un Velvet Underground campagnard.
Sombre et pessimiste, Will Johnson donne l'impression de ployer sous un fardeau invisible. Mais il n'est pas geignard : il enregistre la déchéance - de la nature ("Everglades"), les trahisons -, avec la résignation de celui qui attend la fin du monde. La mort ("Like a madman") est accueillie comme une amie de longue date qui s'invite en douceur, pendant le sommeil.

Fatigués, bloqués à l'ouest par la façade océanique, on dirait que les cow-boys de South San Gabriel sont poussés par leur instinct de pionniers vers les seules contrées qu'il reste à explorer : leurs territoires intérieurs, qui ne sont pas forcément très pacifiques.