Paris blues

Steve Lacy & Gil Evans

par Sophie Chambon le 25/04/2001

Note: 6.0    

La rencontre entre les deux hommes a été préparée, le répertoire soigneusement déterminé à l'avance. Disque d'hommages sous le signe du blues, un de leurs points communs, l'album reprend le nom du film de 1961 de Martin Ritt, l'évocation de la vie de deux musiciens de jazz américains à Paris sur une musique de Duke Ellington. Parmi les compositeurs favoris de Steve Lacy figurent Duke (hommage rendu dans le morceau éponyme), et Mingus. Trois autres titres sont donc des reprises célèbres de Mingus, l'incontournable "Good bye pork pie hat" et "Orange was the colour", le plus long morceau qui dure près de 15'. Sinon "Jelly Roll" de Gil Evans évoque le célèbre pianiste du stride, alors que Lacy dédie son "Esteem" à Johnny Hodges, le vibrant altiste de l'orchestre de Duke. Cette rencontre en 1988, quelques mois avant la mort de Gil Evans, éveille une tonalité particulière. Steve Lacy en effet, accorde à chaque note jouée intensité et émotion. Son attaque au saxophone peut aller de la douceur à une âpreté incisive. Il passe d'un son aigre parfois, comme pincé dans les aigus au velouté dans les graves. Le duo d'une grande sobriété met en valeur les qualités aux piano(s) acoustique et électrique de Gil Evans, plus connu comme arrangeur et chef d'orchestre. On l'entend ainsi abondamment, discret et insistant, discontinu à la façon de Monk, donnant sa "couleur rythmique", selon les propres mots de Lacy. La rencontre n'est pas toujours convaincante cependant, il semble qu'il y ait plus d'alternance ou de succession que de véritables accords. Mais c'est aussi cela le jazz, l'éphémère d'une rencontre non aboutie, une fragilité sourde. Un album austère et sombre, qu'il ne faut pas écouter un jour d'idées noires.