Wouldn't you miss me (The best of Syd Barrett)

Syd Barrett

par Francois Branchon le 22/06/2001

Note: 7.0    

En 1968, Syd Barrett - le leader - se fait virer de Pink Floyd par Roger Waters qui prend le pouvoir. Il laisse en testament une oeuvre, son oeuvre, un "Piper at the gates of dawn" enregistré en 1967 en leader-compositeur-chanteur du groupe, album 'immortel' qui reste à ce jour le plus grand album du Floyd, le seul à véritablement exprimer de l'émotion. "A saucerful of secrets" qui le suit (avec des titres de lui mais sans lui) fait déjà partie d'un autre monde. En 1971, quand il se retire du monde, Barrett n'a plus les capacités intellectuelles de comprendre que son ancien groupe fonce sans scrupule sur la route balisée de la pompe à fric. Et c'est peut-être mieux pour lui. Apprendre que "The dark side of the moon" fut l'album le plus vendu des seventies avec le "Greatest hits" des Eagles l'aurait sûrement achevé.

Entre les deux, il enregistre deux albums, "The madcap laughs" en 1969 et "Barrett" en 1970, complétés en 1987 par "Opel", recueil d'inédits et de chutes des deux premiers. Ce 'best of' plonge dans cette période. On a fait de Barrett un mythe, la machine à bander du premier gratteux boutonneux venu se prenant pour un poète maudit, mais si les chansons de Barrett évoquent les rêves les plus surréalistes, elles résonnent aussi de l'écho du vide que laisse un esprit en panne. David Gilmour, producteur du deuxième album, l'estimait ingérable et incohérent, et refuse l'instauration romantique du culte du poète de génie, alors que Syd B. était malade, bouffé par l'acide, secoué de crises de schizophrénie (sur scène, il se trompait de morceaux). Une histoire triste et pathétique, en contre-pied de la romance fabriquée par les ignorants et les marchands du temple.

Le compilateur de ce 'best of' a délibérément choisi la face (presque) rieuse de Syd, laissant de côté les pérégrinations noires et obscures, bien que quelques plongées dans le chaos se repèrent dans les paroles, "Octopus" (la pieuvre) par exemple : "Sails cackling at every plate we break/Was cracked by scaterred needles/The little minute gong/Coughs and clears his throat". Poésie ? délire lysergique ? le babillage involontaire d'un schizo ? Avec Barrett, la limite est difficile à établir entre création et pathologie, incohérence et inspiration, génie et psychose. Une écoute a posteriori impose aussi une conclusion évidente : il y a quelques chanteurs qui n'auraient pas existé sans ces chansons. Tiens, David Bowie par exemple, dont l'essence des "Hunky Dory" et "Space oddity" se retrouve là, derrière les guitares acoustiques feignasses de "Madcap laughs", ses flots d'images, ses ritournelles, dont il a pris soin de gommer le côté malsain (Bowie est un expert en marketing).

On regrettera que cette anthologie n'inclue pas de morceaux du "Piper" ("Lucifer Sam", "Astronomy domine", "Matilda mother", "The gnome" ou "Scarecrow") et offre un inédit assez moyen ("Bob Dylan blues") alors que restent inexplicablement dans les tiroirs les fantastiques "Vegetable man" et "Scream thy last scream", morceaux hantés et fameux de nos vieux vinyles pirates.