Meet the Bellrays

The Bellrays

par Jérôme Florio le 29/11/2002

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Fire on the moon
They glued your head on upside down
Dead
Blues cirque
Blues for Godzilla


Grâce à la sortie en Europe sur Poptones (le nouveau label d'Alan McGee, fondateur de Creation) de cette compilation de leurs deux précédents disques ("Let it blast" et "Grand fury"), on découvre enfin le groupe américain des Bellrays, formé en 1993. Ils nous embarquent pour un voyage intersidéral de quarante minutes à bord de leur starship affrêté par le MC5 : c'est une expérience physique, soixante secondes de furie païenne rock'n'roll par minute, chaque seconde jouée à cent pour cent d'engagement. Aux commandes de l'engin spatial, un gang de quatre musiciens aux mines patibulaires et au noms secs et tranchants : Bob Vennum, Tony Fate, Ray Chin et la chanteuse Lisa Kekaula. Au programme du voyage : explosions de supernovas, slaloms à travers les champs d'astéroïdes et plongée au cœur du soleil en fusion. D'où les Bellrays tirent-ils cette formidable énergie qui leur permet de se propulser hors de la stratosphère, si loin des pauvres groupes maniérés de "néo-rock", collés au plancher des vaches ? Pour le savoir, examinons un échantillon de leur carburant : "maximum rock & soul" (c'est ainsi qu'ils définissent leur musique). A l'allumage de plusieurs titres ("Too many houses in here", "Heat cage"...) les Bellrays reprennent les choses là où les Stooges les avaient laissées à la fin de "Fun house" : dans un magma de sons d'où émergent d'épaisses stridences de guitare, une batterie arythmique. Ils sculptent cette matière en fusion à grands coups de riffs sauvages. Chaque chanson est un concentré d'énergie arraché au chaos sonore. Avec un tel mélange, les Bellrays décollent et vont foutre le feu sur la lune ! A l'instar de Godzilla, auquel ils dédient un blues radioactif, les Bellrays ont muté en une sorte de supergroupe de l'ère atomique. Avec son nom de guerrière maori, son charisme de bulldozer et un appétit vorace qui lui donne l'air de vouloir bouffer le micro, Lisa Kekaula évoque une Aretha Franklin branchée sur Tchernobyl. Derrière son abattage phénoménal, les musiciens guident les chansons où bon leur semble, sont impressionnants de justesse et jouent soudés. Ils ahanent des bouts de refrain de quatre mots maximum (Iggy Pop dirait : "c'est déjà deux de trop !"). La fusée des Bellrays va rarement tout droit, ils passent au napalm une variété d'influences allant du punk au free-jazz, ce qui renouvelle la surprise et le plaisir de l'auditeur même après dix écoutes. A la moitié du disque le son se fait plus granuleux. Les titres s'enchaînent sans temps mort, chacun occupant le devant de la scène deux minutes, déjà bousculé par le suivant qui veut prendre la place. Tout ceci ne serait qu'une machine diablement efficace s'il n'y avait dessous un cœur qui bat : c'est Lisa Kekaula, qui ressuscite soudain en trois minutes et des poussières d'étoile tout l'esprit de la soul Motown sur "Blues cirque". Sur le dernier titre du disque, la guitare sonne même comme un orgue Hammond. C'est en preacher survoltée qu'elle transpire le blues sur "Testify". Les Bellrays envisagent sans doute le rock comme un sacerdoce, un mode de vie. Ils chérissent l'urgence, la spontanéité, la prise de risques maximum. Peu de disques donnent aussi intensément le sentiment d'être vivant. En plus, "Meet the Bellrays" réussit à prouver une théorie scientifique : après l'atterrissage en douceur de ce voyage cosmique, on s'aperçoit qu'on a moins vieilli que le commun des mortels restés sur Terre. LE disque rock de l'année-lumière.


BELLRAYS Fire on the moon