The best of The Chocolate Watch Band

The Chocolate Watch Band

par Chtif le 11/04/2005

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
I ain't no miracle worker
Expo 2000


Côté garage et psychédélique, Rhino en connaît un rayon. Leurs deux coffrets "Nuggets" compilant plus de deux cents groupes de l'ère bénie 1964-1969 sont devenus plus qu'une référence pour les férus de guitares acidulées : une drogue absolue. Avec pas moins de trois morceaux sélectionnés pour le premier volume, The Chocolate Watch Band s'y taille une place de choix. Toutefois, la richesse de leur répertoire justifiait bien un best of à part entière. Celui concocté par Rhino date déjà de 1983 mais est plus que jamais d'actualité en ces temps de revival garage.

A l'origine simple cover band californien des Rolling Stones, le groupe de Dave Aguilar (chant) et l'excellent Mark Loomis (lead guitar), fut vite repéré par un producteur futé, Ed Cobb. Dénicheur de talents (il couvait déjà The Standells sous son aile protectrice), Cobb se chargea d'apporter au groupe les solides compositions qui manquaient à leurs puissantes prestations scéniques. Pas de tout repos comme travail, puisque The Chocolate Watch Band avait la fâcheuse manie de se dissoudre pour un oui ou pour un non. Toute sa diplomatie fut nécessaire pour maintenir une relative cohésion et réussir à faire enregistrer au groupe trois albums avant la rupture définitive. Encore faut-il préciser que des musiciens de studio furent embauchés à plusieurs reprises pour parachever le tout.

En effet, quand il n'était pas en pleine crise de personnel, le groupe se révélait souvent trop défoncé pour jouer correctement. Ainsi, lors d'une séance d'enregistrement, Ed Cobb vit débarquer ses zoziaux tout affolés de ne pas retrouver leur "boîte", sans laquelle il leur était impossible de commencer. Une fois dénichée, ladite boîte, superbement marquetée, s'est avérée contenir une quantité incroyable de haschisch, pilules, et autres buvards que les musiciens s'empressèrent d'ingurgiter. Trois jours plus tard, on dut faire appel à Jerry Garcia du Grateful Dead pour remplacer au pied levé Mark Loomis, hagard au milieu du studio-aquarium, et complètement incapable d'assurer ses parties de guitare.

Dans cette ambiance chaotique, The Chocolate Watch Band mit tout de même en boîte des chansons d'une classe folle, sauvages ou lysergiques selon l'état. Parmi les dix-huit extraits retenus pour cette compilation figurent une bonne poignée de reprises sur lesquelles ils excellaient : des standards de Ricky Nelson, des Kinks, de Dylan ou encore ce fameux "Let's talk about girls" des Tongues of Truth, gorgé de frustration sexuelle - ça fait combien de temps qu'ils n'ont pas touché une fille ?

La plupart des morceaux portent logiquement le sceau des premiers Rolling Stones ("Sweet young thing" et son accélération finale orgiaque, "Don't need your loving", pour ne citer qu'eux). La voix de Dave Aguilar ressemble à s'y méprendre celle de Jagger, mais il parvient épisodiquement à s'en détacher pour délivrer de mémorables performances. Hargneux sur le blues rock "Sitting there standing", caressant à la manière d'un Arthur Lee sur "In the past", le bonhomme transfigure "I ain't no miracle worker", ce désormais classique punk rock, qui rivalise ici d'intensité avec la version électrocutée des Brogues.

Le groupe lui-même composait peu, et principalement des instrumentaux, mais leurs rares œuvres personnelles valent le détour. A l'écoute de l'épique "Expo 2000" ou de "Uncle Morris", on ne peut d'ailleurs s'empêcher de penser que Pete Townshend des Who a pu piocher là quelque inspiration pour son légendaire "Tommy" ("Uncle Morris" - "Cousin Kevin", comme un lien de parenté...).

De manière générale, d'hétéroclites instruments parsèment les chansons de sonorités étranges. Flûte, harmonica, maracas, saxophone, sitar, clarinette ou chambre d'écho s'enlacent pour bâtir de lumineuses spirales que l'on gravit les yeux mi-clos, blotti dans un écrin de velours. Écouter The Chocolate Watch Band, c'est mettre les doigts dans la prise et s'ébahir des étincelles qui en jaillissent, c'est aussi chevaucher les astres coiffé d'un Stetson, flotter dans le moelleux des tapis d'orient, et flirter avec la face sombre... des champignons ("Dark side of the mushroom").

Dave Aguilar, lui, est resté perché tout là-haut, à sa manière, puisqu'il enseigne aujourd'hui l'Astronomie à l'université du Colorado. Pas mal, comme reconversion, pour un taquineur d'étoiles.