The great eastern

The Delgados

par Francois Branchon le 28/05/2000

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
American trilogy
No danger


Cela commence dans une ambiance cosy années trente, avec de maigres cuivres et une voix grésillante semblant sortir d'un vieil électrophone, mais les mots qui nous parviennent : "J'ai du sel plein les yeux, quarante jours maintenant que je ne me suis plus lavé, que je rampe dans la cave cherchant la lumière, mais je ne cesse de m'enfoncer, toujours plus bas, toujours plus sombre" sont tout... sauf cosy ! Cet album est une surprise, comme fut le "Deserter's songs" de Mercury Rev, dont il a les mêmes caractéristiques : profusion, richesse et invention. Les morceaux, qui collectionnent les thèmes "positifs" (les relations qui se cassent la gueule, les drogues dures, les querelles sans objet, le tourment amoureux, le doute injustifié...), sont ronds et ambitieux. Les paroles sont belles, les arrangements recherchés et surprenants ("Knowing when you run", le final de "Thirteen gliding principles") et les mélodies costaudes. La voix de la chanteuse Emma Pollock, petite plainte swinguante, est une petite merveille, parfaite pour débiter ingénument les pires horreurs. Celle de Alun Woodward, son faire-valoir masculin, est fragile et peu assurée, ajoutant au trouble. Les Delgados, dont "The great eastern" est le troisième album, construisent un échafaudage de sons, où se retrouvent pêle-mêle une batterie aux cymbales effervescentes, des cordes sinueuses comme une route de col, des guitares fatiguées, du piano, des cuivres, de l'accordéon, des voix décalées... Autant dire une usine à gaz à priori peu engageante sur le papier, mais qui, miracle, s'organise souvent en un puzzle lumineux. Et dans ces cas-là ("American trilogy", "No danger", "Witness"...) il n'est pas interdit de crier au génie.