Bright yellow bright orange

The Go-Betweens

par Yves Canevet le 11/03/2003

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Crooked lines
Caroline and i


"Bachelor kisses" est pour moi l'une des plus belles chansons pop jamais écrites. Elle reste associée dans ma mémoire à l'adolescence, quand il faisait bon éplucher les Inrockuptibles tous les deux mois pour y dénicher à chaque fois un lot de trésors cachés. Avec un cortège de groupes du bout du monde - The Chills, The Bats, Dead Famous People - les Go-Betweens faisaient partie de ces découvertes. La beauté des mélodies et la poésie sans pause des textes faisaient de leurs disques des |uvres atemporelles. Près de vingt ans après "Bachelor Kisses", alors que je n'attendais plus rien des Go-Betweens, ils donnent à nouveau le meilleur d'eux-mêmes. Sur "Bright yellow bright orange", Robert Forster et Grant McLennan offrent un bouquet de dix chansons multicolores, cinq chacun. Tout commence avec "Caroline and i", qui a le parfum délicat d'une amitié nouée dès l'enfance (à moins que ce ne soit une référence à Caroline de Monaco, ce que dit la presse anglaise mais que rien ne laisse présumer à l'écoute du morceau). La douce amertume de "Poison in the wall" se poursuit en splendides accords sur "Mrs Morgan", cousine de province de la "Sweet Jane" de Lou Reed. La comptine pop "Make her day" a le charme évident des morceaux simples. Le refrain de "Crooked lines", chanté en un seul souffle, est emprunt de toute l'authenticité de celui qui sait que la vie ressemble toujours à une ligne plus brisée que droite. On y trouve leur marque de fabrique : quelques réminiscences punk dans la rythmique adroitement encloses dans des pétales pop aux accents folk. Enfin "Unfinished business", ballade en forme de point d'interrogation, clôt l'album sans conclure. "Bright yellow bright orange" est aussi un album qui revient sur les contradictions du groupe : une foi dans leur musique et de grandes attentes de reconnaissance publique mais pas de plan de carrière. Cela en fait immanquablement des perdants magnifiques, concédant même une forme de goût pour l'échec sur "Too much of one thing", chanson-manifeste trop bavarde, seule faute de goût du disque. Cette fidélité à leur musique et à ce qu'ils sont explique en grande partie pourquoi les Go-Betweens sont, vingt ans après "Bachelor kisses", toujours aussi féconds. "Turn the lights off, you'll be blinded".