Godz 2

The Godz

par Francois Branchon le 23/05/2001

Note: 10.0     
Morceaux qui Tuent
Permanent green light
Soon the moon
Radar eyes


Sortez les tam-tams, prévenez la famille : Bush ne peut plus gouverner, Pasqua est mis en examen et le label ESP, après des années d'oubli est à nouveau disponible !!! Pour situer l’événement, au panthéon des labels découvreurs fous qu'on aime tant, ESP est en haut, tout en haut, tout près des Sun, des Chess, des débuts d'Elektra ou de Rhino... ESP (pour Esperanto, le langage universel du Dr Zamenhof) est fondé en 1963 par Bernard Stollman un avocat new-yorkais passionné de rhythm and blues qui hantait les clubs du Village où bouillonnaient les nouvelles scènes folk et jazz. Il signe tous ceux qui effraient les labels installés, les groupes les plus extrémistes, les plus décalés, les plus ahurissants, mais forcément aussi les plus imaginatifs. Ainsi, paraissent les tout premiers albums d'inconnus nommés Pharoah Sanders, Albert Ayler, Paul Bley, Ornette Coleman ou Sun Ra... et de trois entités hors-normes, ingérables et dont les carrières se casseront évidemment la gueule : Pearls Before Swine, emmené par Tom Rapp, sublime barde folk au cheveu sur la langue (chronique le mois prochain), les Fugs du poète beat Ed Sanders, sorte de happening musical situationniste permanent au sein duquel se trouve Sam Shepard (plus tard auteur de théâtre et scénariste de Wenders) et enfin les Godz, garage band détraqué furieusement moderne, à qui la paternité du punk, généralement attribuée aux Stooges de Iggy Pop, se doit d'être co-décernée.

Les Godz naissent en 1966 et publient trois albums, "Contact high with The Godz" la même année, "Godz 2" en 1967 et "The third testament" en 1968 (que Thurston Moore de Sonic Youth considère comme un des meilleurs albums de tous les temps). Les Godz sont incontestablement primitifs, farfelus, leur mise en place est parfois bancale, la production pas très soignée mais cela n'a AUCUNE importance, car ce qu'ils manipulent sans grande précaution s'appelle la puissance, ou la folie, ou les deux à la fois, en permanence 'dans leur trip', peu soucieux de plaire.

Sur ce "Godz 2" alternent des morceaux à structure classique (dans le style des garage bands) et des pièces plus longues, aux départs et développements déstructurés, débouchants sur des fins en équilibre, bien symétriques, en harmonie. L'album s'ouvre avec leur morceau le plus connu, le plus 'normal', "Radar eyes", petite ritournelle (tout est relatif !) de deux minutes, mi-Seeds mi-Sonics, parfaite. Puis dès "Riffin", la machine se détraque et s'emballe, l'harmonica embraye sur "Au clair de la lune" pendant que Paul Thornton le batteur tape à l'aveugle et que Jim McCarthy (le leader guitariste et chanteur) se déchaîne dans son micro. "Soon the moon" revient au binaire, offrant la miraculeuse synthèse de la rage des Stooges et du son des Electric Prunes, quand "Crusade" plonge dans le délire, pièce longue de neuf minutes, où les musiciens mettent tout sur la table, se permettent tout, toussent, se mouchent, hurlent, gémissent, pour finalement accoucher dans les deux minutes finale d'une sublime petite plainte ('the dog is dead now...'). L'enchaînement avec la reprise de "You won't see me" des Beatles vient en aimable récréation naïve de cour d'école, préparant le terrain à l'hypnotique et magnifique "Permanent green light", rencontre improbable et prémonitoire avec quelques années d'avance du Velvet Underground (période album 3) et des allemands d'Amon Düül, troublant et fantastique.

Comme l'écrivait Lester Bangs dans Creem en 1971 (publié dans sa compilation "Psychotic reactions and carburator dung") : 'Une chose est certaine : après les Godz, plus jamais la planète ne sifflera, yodelera, chantera sous la douche ou pétera comme avant'. Et la pochette est sublime,



GODZ Permanent green light (Audio seul 1967)