There's gonna be a storm : the complete recordings 1966-1969

The Left Banke

par Damien Berdot le 01/10/2008

Note: 9.5    
Morceaux qui Tuent
Barterers and their wives
Pretty ballerina
Shadows breaking over my head


"There's gonna be a storm", qui regroupe l'intégralité des enregistrements officiels de The Left Banke, est le seul qui soit actuellement disponible : il est donc essentiel. La "Rive gauche" fut en effet - on s'en rend compte avec les années - un des quelques orfèvres de ce qu'on a appelé a posteriori la pop baroque. Ces New-Yorkais amoureux des Beatles ont peut-être même battu les maîtres à leur propre jeu : enrichir la pop de sonorités d'ordinaire dévolues à l'orchestre sur toute la durée d'un album, sans tomber dans la mièvrerie.
 
Ils avaient plusieurs atouts en main. La voix de Steve Caro Martin, tout d'abord, au timbre haut perché, aux inflexions volontiers mélancoliques, mais pouvant aussi exploser en tremolos saturés ("Lazy day"). Les compositions de Mick Brown - alias Michael Lookovsky - ensuite : violoniste de formation, il a parsemé le premier album du groupe de traits de génie, comme l'accord de quinte diminuée qui confère de l'acidité à cette magnifique chanson qu'est "Pretty ballerina". Brown, après The Left Banke, donnera d'autres preuves de son talent, avec Montage notamment, mais de façon moins éclatante. Le dernier atout de The Left Banke, c'était Lookovsky senior, lui aussi musicien classique, qui s'institua producteur et donna aux créations de son fils un écrin lumineux.
 
De fait, en réécoutant les onze chansons (vingt-huit minutes seulement) qui constituent le premier album "Walk away Renee/Pretty ballerina" (1967), on est frappé par la clarté et la sobriété des arrangements. Bien souvent, le clavecin ou le piano de Brown (soutenu par la basse de Tom Finn) assure seul la fonction d'accompagnement ; la batterie, pour sa part, est mixée en avant, de façon sans doute plus prononcée que dans tout autre enregistrement de l'époque. Pas d'utilisation redondante de la guitare. Quand cette dernière intervient, c'est avec parcimonie : l'espèce d'arpège-riff qui rythme la géniale "Barterers and their wives"... En plus d'être sobres, ces arrangements sont d'une grande variété : la guitare tremolo qui accompagne la phrase de refrain et le pont (remarquable) de "Let go of you girl", les sons de la country sur "What do you know", du blues-rock sur "Evening gown", la guitare fuzz de "Lazy day"... Le point culminant de cet exceptionnel premier album est sûrement "Shadows breaking over my head". On voit ici tout ce qui sépare The Left Banke de groupes pompeux tels les Moody Blues : The Left Banke pratique une musique intimiste, une musique de chambre, un peu comme le fera Colin Blunstone.
 
La suite sera, malheureusement, mouvementée. Souhaitant se retirer en studio, à l'instar de Brian Wilson, Brown utilisera des musiciens de session pour enregistrer le nouveau single du groupe, "Ivy ivy" / "And suddenly", Bert Sommer (que Brown retrouvera au sein de Montage) remplaçant au chant Steve Martin. Cela donnera le signal de la désintégration du groupe : ses amis de deux ans feront pression pour que le single soit retiré... Mick Brown gravera encore un single avec The Left Banke, "Desiree", avant de jeter l'éponge. Privés de leur compositeur principal, les membres restants rentreront en studio pour graver les dix chansons de leur second album, "The Left Banke too" (1969). La ligne en est moins claire, moins vigoureuse, mais assez étonnamment, l'album n'a rien du désastre annoncé. "My friend today" et "Sing little bird sing" sont de bonnes chansons, et "Dark is the bark" ne déparerait nullement au sein du premier album. "There's gonna be a storm" s'achève sur les deux chansons du single de 1969 (celui de la réconciliation entre Brown et Martin), "Myrah" / "Pedestal".

Le seul tort de ce disque, c'est son organisation incompréhensible : il eût été plus logique de conserver l'ordre qu'avaient les chansons sur les deux albums, de placer "Men are building sand", chanson pré-Montage, après les chansons du deuxième album, etc... Un must malgré tout !



Walk away Renee/Pretty ballerina (1967)
Walk away Renee/Pretty ballerina (1967)
The Left Banke Too (1969)
The Left Banke Too (1969)