Big Satan - Souls saved hear

Tim Berne

par Sophie Chambon le 05/11/2004

Note: 9.0    

Après le remarqué "The sublime and." sorti l'an dernier sur le label Thirsty Ear, Tim Berne continue avec ce "Souls saved hear", signé avec la même équipe à l'exception du pianiste Craig Taborn, le trio au nom évocateur de Big Satan. Dans cette formation éminemment démocratique, c'est à Marc Ducret, le Frenchy de service que revient cette fois de mener le bal et il n'y va pas de main morte.

Dès le premier titre "Ce sont les noms des mots", on perçoit une différence d'approche, voire d'attaque (question longueur, voire étirement des morceaux) : ça joue vite, ça dérape, ça s'emporte. Ducret qui travaille depuis longtemps avec Tim Berne, affectionne particulièrement les trios (à commencer par le sien, remarquable de mise en place avec la paire rythmique impeccable constituée par Bruno Chevillon et Eric Echampard). Comme le souligne Philippe Méziat, qui a inscrit cette année le guitariste au programme de la quatrième édition du Bordeaux Jazz Festival "Marc Ducret ferait aimer la guitare aux plus rebelles" : sans doute, au-delà de l'instrument il y a en lui une musique qui déborde, dans l'urgence de se dire et de s'inscrire. "L'habitude de se frotter aux plus vifs créateurs américains a développé chez lui une capacité d'invention assez inouïe, qui se combine à une logique de la composition instantanée tout à fait stupéfiante".

Neuf titres sont sortis du brainstorming du studio, de ces séances d'improvisation collective. Une musique complexe ? Peut-être, car technique et pensée mais pour peu que l'on se prête à une écoute attentive, il est facile de se laisser emporter par l'ardeur très communicative de Tom Rainey qui balaie tout sur son passage, soutenu par les interventions toujours pertinentes de Tim Berne : il joue son rôle de saxophoniste exigeant, qui use de stridences libertaires et de distorsions "freesonnantes" sans oublier de s'abandonner aussi à un apaisement nécessaire dans les douces transitions subtilement amenées comme dans "Geez", le final d' "Emportez moi", ou encore le délicatement entêtant "Mr subliminal". Alors on finit par entendre quelque chose d'unique et d'uni, de cohérent, un pluriel singulier du jazz : le son est cohérent, travaillé à même la matière. Assurément, la Blues series du label Thirsty Ear montre une exigence plutôt radicale, une qualité ni tout fait free ni "jazztronica", une musique passionnante et rigoureusement convaincante.