Tim Hardin 1+2

Tim Hardin

par Damien Berdot le 12/11/2010

Note: 10.0     
Morceaux qui Tuent
Reason to believe
How can we hang on to a dream
If I were a carpenter
Black sheep boy
The lady came from Baltimore

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On peut s'étonner, alors que l'heure est à l'exhumation des Joanna Newsom et autres artistes de folk négligés en leur temps, de ne pas entendre plus souvent prononcer le nom de Tim Hardin. Tim Hardin apparaît décidément comme l'alter ego de Fred Neil, ayant écrit de nombreux standards que tout le monde connaît mais dont peu connaissent la paternité, et s'étant abîmé in fine dans les affres de l'héroïne (plus tragiquement, en l'occurrence, que Fred Neil, qui sut s'échapper à temps).
 
Ce qui lui revient, ce n'est pas un strapontin, quelque rayon poussiéreux réservé à des curiosités exotiques des sixties ; c'est la première place, aux côtés de Fred Neil et de Tim Buckley. Ces trois-là surent étendre le champ traditionnel du folk américain, lui insufflant une part de la liberté et de la richesse harmonique du jazz et l'emmenant bien au-delà des rivages de la protest song. Il est d'ailleurs probable que le principal initiateur de cet élargissement ait été Fred Neil, lui qui parlait d'abattre les frontières entre les diverses tendances de la musique populaire... Tim Hardin connut, en tous les cas, une évolution parallèle à celle de Neil : il grava pour Atlantic et pour Colombia en 64 des morceaux très marqués par le blues, qui ne furent pas publiés en leur temps en dépit de leur qualité ; et en 66-67, avant que le mauvais sort n'exige son tribut, il enregistra pour le label Verve ses deux premiers albums officiels, dans un idiome tout à fait formé. Ces deux albums ne sont malheureusement plus disponibles que via des imports relativement onéreux ; aussi il paraît plus avantageux de se procurer (également en import) la présente compilation, "Tim Hardin 1+2", qui propose l'intégralité des deux albums, avec en sus sept bonus tracks.
 
"Tim Hardin 1" est un des très bons albums de l'année 66, en dépit d'une production parfois un peu mièvre, que désavouera d'ailleurs Hardin lui-même (les arrangements ont été rajoutés sans son accord par Verve) et qui lui fera généralement préférer son successeur. Les temps forts demeurent, impressionnants : la célèbre et magnifique "Reason to believe", la ballade folk désolée "How can we hang on to a dream", "Misty roses" (celle-ci reprise plus tard judicieusement par Colin Blunstone)... Hardin n'oublie pas pour autant ses racines : "Don't make promises" est emmenée par une rythmique typiquement blues ; "Green rocky road" et "How long", rehaussées par l'harmonica de John Sebastian, auraient pu être signées par le Fred Neil de "Bleecker & McDougal".
 
La chanson inaugurale de "Tim Hardin 2" (1967) montre la voie : totalement préservée des placages orchestraux du premier album, "If I were a carpenter" est une merveille. C'est la plus reprise de toutes les chansons de Tim Hardin : Bobby Darin, Bert Jansch, etc. Qu'elle ait connu le succès en France dans la version de l'abominable Hallyday n'est qu'une preuve supplémentaire des talents de mélodiste de Tim Hardin, usant des accordages des bluesmen, accroissant la résonance et la puissance de sa guitare, que des percussions et une basse rythmique viennent encore renforcer... Tim Buckley n'est pas loin. Dans la même veine, chantée de façon désabusée, "Red balloon" évoque l'héroïne et les effets pervers ("blue surprises") qui lui sont associés. Le registre de Tim Hardin, on le voit, c'est l'intimisme et le réalisme, auxquels sa voix noire, ignorant les affectations, offre un écrin idéal. "Black sheep boy" et "The lady came from Baltimore", deux splendides ballades, furent reprises par Scott Walker ; mais les versions de Tim Hardin, moins déclamatoires, touchent d'autant plus. Les mots qui ouvrent l'ultime chanson de l'album, "Tribute to Hank Williams", sont bien à l'image de la sincérité de cette musique : "Goodbye Hank Williams, my friend...". L'ensemble, par ailleurs, est varié : les morceaux up-tempo et folk-blues comme "Up where you are and get out", qui dépasse tout juste la minute, côtoient des chansons plus lentes, plus langoureuses comme "Baby close its eyes" et "Speak like a child".

Il est dommage que Tim Hardin, qui laissait entrevoir ici, par moments, une touchante fragilité, ait par la suite erré sans gouvernail, ne parvenant jamais à donner à ces deux albums une digne descendance.



TIM HARDIN If i were a carpenter (Live Woodstock 1969)