Honest Abe and the assassins

Tom Ovans

par Chtif le 10/07/2006

Note: 8.0    

Il y a des gars comme ça qui forcent le respect. Tom Ovans est l'archétype du routard, dans la plus pure tradition folk. Rectification : dans ce que "devrait être" la plus pure tradition folk. Rien à voir donc entre Ovans et les Devendra Banhart d'école d'art qui n'ont de folk que l'apparat et le prétexte de bon aloi.

Ovans naît à Boston, et travaille dès son plus jeune âge. Traumatisé par Woody Guthrie, Pete Seeger, et le Dylan contestataire des débuts, il met les voiles à 18 ans, avec sa guitare et son idéal. Les années suivantes sont parsemées de bars, de chansons, et de petits boulôts qu'il a accumulés par dizaines : d'un océan à l'autre, le chemin a forgé sa voix, bouffé ses illusions mais pas sa volonté. Cinquante ans aujourd'hui, dix albums à son actif (dont le premier tardif en 1991), et l'homme ne s'est toujours pas sédentarisé. La bohème constituerait pour d'autres un parfait argument de vente, mais Ovans reste honnête, fidèle à lui-même. C'est qu'il garde en mémoire ce souvenir amer de Dylan débarquant d'une limousine pour une soirée entre musiciens... "Folk singers my ass !".

Ses précédents enregistrements, aux titres explicites ("Industrial days", "Unreal city", "Tales from the underground", "Nuclear sky"...), portaient déjà en eux les stigmates du labeur ainsi qu'une légitimité indiscutable. Aucune imposture possible dans cette voix de rocaille effritée par les rejets d'usine. Avec "Honest abe and the assassins", Ovans n'a pas dévié sa route d'un iota. Toujours seul avec sa guitare et son harmonica (quelques percus par-ci par-là également), il nous assène pas moins de 32 nouvelles chansons bercées de mauvais whisky (dont une cachée en fin d'album). Entre complaintes rampantes pour arracher les coeurs et chroniques sociales au goût de terre collée au palais ("Song for the homeless"...), les noms des villes traversées défilent comme le leitmotiv hagard du voyageur trop lucide pour se permettre d'espérer ("New Orleans", "Jackson", "Sunday afternoon in Austin", "Bakersfield tonight"...). Tom Ovans incarne les déshérités chantés par Springsteen, ceux qui triment à la Johnston Company et se marient sans fleurs ni sourires. Et pourtant ses morceaux brillent de fierté, la dignité de ceux qui ne se sont pas laissés abattre. "Je pense qu'en Amérique, la voix des gens qui ne sont pas au sommet n'est plus écoutée. Il n'y a rien de glamour là-dedans, mais je suis l'un d'eux", déclarait-il récemment en interview. Tom Ovans n'a que ses chansons à offrir, écoutons-les.