Totonho & os Cabra

Totonho & os Cabra

par Filipe Francisco Carreira le 27/02/2004

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Cabra pentium
Nhem nhem nhem


L'état du Paraiba, au Nord-Est du Brésil, a pour spécialité les vessies de chèvre. Totonho en a vendu quand il était gamin et ça l'a visiblement marqué : il se fait accompagner par "Les Chèvres" et adopte le velu animal comme mascotte de son premier album. S'il a bientôt quarante ans, Totonho (à ne pas confondre avec Toto Cutugno) n'a pas chômé : il fonde son premier groupe à l'âge de neuf ans et, de la ville la plus proche, João Pessoa, à la métropole Rio de Janeiro où il s'installe en 1988, participe à une multitude de projets musicaux. Parallèlement, son engagement humanitaire s'affirme et l'homme à la barbiche prend part à des missions locales d'aide aux enfants défavorisés.

Sa générosité éclate de toute sa force dans "Cabra pentium" : son groove cuivré, puissant et infernal, propage une vague de chaleur, d'énergie et de vitalité enviée par toutes les marques d'eau minérale. Comme si le groupe souffrait d'un point de côté après cet impensable départ en fanfare, les deux titres suivants peinent à convaincre, malgré des paroles délirantes et de louables bidouillages électro ("Segura a cabra"), une agressivité, une tribalité ("A vitima") qui rappellent le premier morceau sans en retrouver la fluidité ou le désormais légendaire coup de rein. Il faut attendre la quatrième plage, "Tudo para ser feliz" pour que Totonho renonce à passer en force et renoue avec l'art de la feinte et du roulé-boulé. Il y combine avec un bonheur certain sens du rythme et de la mélodie, gravité et légèreté, à l'image de "A rainha" qui le voit fricoter à nouveau et sans complexe avec l'électronique.

Mais c'est avec "Nhém, nhém, nhém" que Totonho et ses chèvres réussissent leur plus beau tour : un funk dansant et hypnotique à savourer aussi bien couché dans le noir où, la somnolence aidant, on peut sentir son corps flotter au dessus du lit, que sur une piste de danse, improvisée de préférence. Dès lors, le groupe peut tout se permettre. Dans "Glaciais", il s'essaie à la ballade nostalgique aux paroles tendres et acides à la fois : "Eu te achava puta, santa / Ambas me tiravam do chão" ("Je te voyais pute et sainte / Les deux me relevaient quand j'étais au sol"). Il explore le hip hop dans "Babaovomidi" ou "Fax para Cartomante", rend hommage à la musique cubaine dans "Musicacubana" et titre un morceau qui ne doit pas grand-chose au genre cité "Drum n' bass na feira". Malicieux et joueur, Totonho aime à brouiller les pistes, multiplier les indices ; il reprend "Nhém, nhém, nhém", puis "A rainha" dans des versions écourtées et instrumentales, titillant habilement la mémoire de l'auditeur.

S'il tente beaucoup, il gagne plus souvent qu'il ne se perd, restant fidèle à sa fraîcheur et son tempérament festif. Pourtant, même avec des confettis dans les poches et des Mister Freeze dans les mains, il n'exclue ni la sensibilité, ni la profondeur. "Dessinez, c'est gagné" semble être l'adage de ce disque inclassable, aussi accidenté que vivant. Un disque où tout est possible.

(En écoute sur le site officiel)