TTPKC & Le Marin

TTPKC & Le Marin

par Sophie Chambon le 30/08/2005

Note: 9.0    

Une instrumentation originale pour un groupe qui ne l'est pas moins. Pour commencer, un nom incompréhensible TTPKC & Le Marin : certes un des saxophonistes endosse un tricot rayé, mais phonétiquement TTPKC n'est-il pas une injonction à "aller voir ailleurs" ?
On aurait tort de s'éloigner car c'est une musique énergique, accrocheuse malgré ses aspérités, dès le premier titre lui aussi intriguant "Nagybaniany ut". A moins que la mode balkanique n'emporte tout sur son passage... Ils sont quatre : trois saxophonistes (un ténor, un alto qui joue aussi du baryton, un deuxième baryton) et un batteur, auquel s'ajoute un invité, le guitariste Gilles Coronado sur deux titres, "Surperpanpan" et "Groumlat".

En dépit de nombreux effets électroniques et quelques clowneries ("Jingl'"), on ressent un élan immédiat pour cette musique fièvreuse, précise et bien cadrée. Les rôles, assez clairement définis, s'ajointent avec les sons et les tempéraments de chacun. Si l'improvisation ne domine pas, elle apporte sa touche corrosive. Colorée, drue et généreuse, la musique traduit un goût des alliages sonores inusités, un désir de création continue et imprévisible.

Lauréats malheureux du dernier Tremplin jazz d'Avignon en 2004, ce groupe que l'on découvrit alors avec enthousiasme, ne put enregistrer son premier disque à la Buissonne, laissant la place à des Belges beaucoup plus lisses : heureusement, TTPKC arriva à entrer dans la famille "Chief Inspector", où ils purent exposer leur projet, commencer à gagner un début de reconnaissance avec cet opus risqué, à l'écriture foisonnante, aux thèmes bâtis sur une architecture complexe, sans jamais être trop exacerbés ni étouffants. Ainsi se brosse à larges traits un paysage dégagé, entraînant dans une aventure imprévue, vers des "terra incognita".

Ces électrons libres, tout excités, développent des tonalités étranges, créent un climat parfois planant qu'entrecoupent des changements très fréquents de rythmes et d'atmosphères. Avec une volonté de privilégier des textures sophistiquées et un travail d'improvisation collective, comme à la grande époque où les expressions musicales abolissaient les frontières, et où l'expérimentation était le maître-mot de voyages prometteurs... La source de cette toute jeune génération de libres improvisateurs irait-elle voir du côté de l'anglais Evan Parker ? En tous les cas, à les entendre jouer, on peut penser que la relève est assurée.